QUATRIÈME A N N É E .
N
o s
8 7
et 8 8 .
Ce Numéro double :
50
centimes.
1 5
JUIN 1 9 0 4 .
Pro Armenia
R é d a c t e u r en Chef :
Pierre QUI LLARD
Adresser tout
ce qui concerne la Direction
à M. Pierre QUILLARD
lO, Rue USTollet. Paris
ABONNEMENTS 1
France
8 »
É t i a n g e r
l O >•
Paraissant le
I
er
et le i5 de chaque mois
COMITÉ DE RÉDACTION :
3 ,
Clemenceau, Anatole France, Jean Jaurès
Francis de Pressensé
S e c r é t a i r e d e l a R é d a c t i o n :
Jean LONGUET
ADMINISTRATION :
Avenue de l'Observatoire, 3
ABONNEMENTS :
France
8 »
É t r a n g e r
l O »
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> M
vi
v
1
i
;
Informations: Le massacre de GueFIfeh-Guzan ; Lettres
des chefs sassouniotes; A
Van
;
L'action des puissances ;
Deux dépêches françaises officieuses. — La séance du
g
juin à la Chambre française (compte rendu in-extenso :
Discours de
M M . FRANCIS DE PRESSENSÉ
et
DELCASSÉ).
LaQuinzaine: Après le massacre
(
PIERRE QUILLARD).
Rappel au devoir
(
GEORGES CLEMENCEAU).
Une lettre
et une conversation de M.
M . BERTHELOT.
Lettre du
Caucase. — I.e mouvement international pro-arménien :
Amérique ; Allemagne: Unarticle de
la
Frankfurter
Zeitung:
Angleterre: A la Chambre des Communes:
JLa
manifestation du. 2g juin : France : A la Ligue des
Droits de l'Homme: Dans les Universités Populaires;
Italie : La « question» au Parlement; Nouvelle campa-
;
gne de meetings; Les comices de Palerme et de Pavie.
Nouvelles d'Orient : L'action des consuls; Condam–
nations (P. Q.).
En dernière heure nous recevons la dé–
pêche suivante du
Drosçhak :
G e n è v e , i5 j u i n , 9 h . 5 d u soir.
Sur un ordre venu de Pétersbourg, tous
les consulats russes à l'étranger refusent ca–
tégoriquement de viser les passe-ports des
Arméniens qui, sujets d'autres pays, dési–
rent se rendre en Russie. Au Caucase, une
véritable chasse est organisée contre les
Arméniens sujets étrangers, surtout s'ils
sont sujets turcs. Les autorités leur don–
nent trois jours pour quitter le pays. Ce
délai expiré, la police les expulse brutale–
ment. Les autorités du Caucase ont reçu
l'ordre secret d'interdire toute souscription
en faveur des Arméniens de Turquie. On
signale une vive agitation aux frontières.
INFORMATIONS
Le Massacre de Guellieh-Guzan.
Tiflis,
2
j u i n
1904.
On nous transmet de Moush, à la date
du
2/16
mai, les nouveaux détails suivants
sur les massacres de Gullieh Guzan :
Quand après un combat de deux jours,
Pairiilerie
tnrqTre
força-
les
r^rthfrrrs
des
Sassouniotes, la déroute fut générale; le
carnage des habitants de quarante-cinq v i l –
lages rassemblés à Gullieh-Guzan com–
menç a ; la nuit tombant, les femmes et les
enfants cherchèrent à se sauver sous une
pluie de balles et de projectiles, mais par–
tout on se heurtait aux ennemis qui massa–
craient.
Beaucoup de femmes et de filles se lan
cèrent dans des gouffres pour ne pas tom–
ber dans des mains ennemies ; d'autres,
en hâte dans l'obscurité de la nuit en tra–
versant le pont suspendu sur un précipice,
tombèrent dans l'abîme.
Une partie des réfugiés, sous la protec–
tion des bandes de Kevork, Vahan et
Antranik, arrivèrent sur la haute monta–
gne Krechek, près de Talori ; beaucoup
se réfugièrent dans les cavernes des mon–
tagnes couvertes de neige, nus, sans nour–
riture, mais ils furent poursuivis et mas–
sacrés.
Partout le sang coule, dans toute la
vallée du Sassoun ; toutes les femmes, tous
les enfants, ensanglantés, battus, exténués
par la fatigue et la faim, sont emmenés à
Moush ; i l y sont déjà au nombre de huit
cents. Le gouvernement les garde sous la
surveillance de soldats qui commettent
toutes sortes d'horreurs sur ces victimes.
De nouveaux bataillons turcs marchent
maintenant sur Talori, où depuis deux
jours la bataille est engagée.
Partout la mort, la ruine et les massacres
s'étendent sur la plaine de Moush. Tous les
villages arméniens occupés d'avance mili–
tairement sont en flammes. Les victimes
sont innombrables ; voilà trente-cinq jours
que le sang coule à Sassoun et dans la
plaine de Moush, où i l n'y a pas un seul
consul européen pour noter ces horreurs.
M o u s h ,
21
m a i ,
via
T i f l i s .
Voici de nouveaux détails sur les massa–
cres du Sassoun du
22
avril. Après la prise
et le massacre de Guellieh-Guzan, lessurvi-
vants se sauvèrent dans quatre directions :
vers les montagnes d'Andok, de Kepine, de
Krchik et la plaine de Mouch, mais, pour–
suivis par les troupes, ils furent successive–
ment surpris dans leurs refuges, et, après
une résistance héroïque, furent écrasés
faute de munitions.
Talori, où s'étaient rassemblés les habi–
tants de douze villages, assiégé, depuis le
commencement d'avril par les Kurdes, ré–
sista jusqu'au 6 mai, puis tomba, les Kur–
des ayant reçu des renforts. Le massacre
fut épouvantable. Trois mille personnes
furent ensevelies vivantes ou mortes dans
les ruines de leurs maisons. Les bachibou–
zouks commirent des horreurs inouïes. Les
femmes furent violées, on leur coupa les
seins, on leur ouvrit le ventre, on empala les
enfants, les vieillards furent coupés en
morceaux, les jeunes filles emmenées en
masse.
Les Kurdes se vantent d'avoir chacun
deux ou trois femmes arméniennes. Sur
vingt mille habitants du Sassoun, on n'a ra–
mené à Mouch que i.5oo femmes ou en–
fants. Il y a eu près de quinze mille massa–
crés. Quelques centaines d'Arméniens sont
cachés dans la montagne. L a région du
Sassoun est ainsi entièrement ruinée et dé–
vastée. Le gouvernement livre les villages
arméniens aux Kurdes. C'est l'exécution du
projet de dépopulation définitive du Sas–
soun. La plaine de Mouch est également le
théâtre de massacres. Depuis le 5 mai, les
troupes turques ont anéanti successivement
les villages de Pertak, de Mkragon, d'Alig-
pon, d'Avasagpure, d'Aruiste. Les massa–
cres gagnent de jour en jour. La terreur et
le désespoir sont indescriptibles. Les con–
suls anglais et français sont arrivés. Le
chef Antranik et les révolutionnaires sas–
souniotes ont jusqu'ici échappé à la pour–
suite des hordes turques.
G e n è v e , 8 j u i n 8 h . 35 soir.
Après un bombardement de plusieurs
jours et une résistance acharnée des Armé–
niens, les troupes turques s'emparèrent de
Fonds A.R.A.M