tous cô t é s ; le gouvernement, d'autre
part, garde un grand nombre de sol–
dats sur pied; le q u a t r i ème corps d'ar–
mée tout entier arrivera ici prochaine–
ment.
Le vali est a r r i vé à Mou s h ; les Tu r c s
ont fait des d éma r c h e s a u p r è s du gou–
vernement pour obtenir la permission
d ' a n é a n t i r tous les A r mé n i e n s ; on craint
un massacre géné r a l .
Mou s h et la plaine de Moush se trou–
vent dans une situation très critique ;
les agents de police et les percepteurs
d ' i mp ô t font subir au peuple toutes
sortes de vexations; soldats et Kurdes
agissent de concert.
Les villages
ar–
méniens de Inghonznak,
Ardghounk,
Koraghou,
Ilarthgou,
Guéliémissour,
Guéliéghenman,
Kimnav,
Zéïniklzik
ont été
incendiés.
L a population se rassemble de plus
en p l u s ; nous serrons les rangs; j'ap–
prends que les Kurdes s'approchent ; on
s'attend à une lutte d'un moment à
l'autre.
II
Sassoun,
14 27
avril
1904.
Sassoun est en feu ; Ch é n i k vient
d'être i nc end i é , le 9
/22
avril et les ha–
bitants se sont retirés à Séma l ; le
12/25
av r i l , le vali ayant avec l u i quel–
ques milliers de soldats et les « aratch-
norts » (vicaires patriarcaux) de Bitlis
et de Mou s h ainsi que les notables de
Mou s h , arrivent à ' La d j i gh a n t z i k .
U n jour avant son arrivée le
11/24
a v r i l , les Kurdes et des cavaliers turcs
et des agents de police en grand nom–
bre, tous r é un i s au village kurde de
Ch e n , se p r é p a r e n t à attaquer S é m a l ;
ils avancent jusqu'aux ruines de Ch é –
n i k .
Nos fédaïs (Armé n i e n s combattants)
et la population voyant ces p r é p a r a –
tifs d'attaque, sous le commandement
de Hiraïr ( T i j o g h k - A r mé n a k ) atta–
quent les Kurdes et les soldats et les
refoulent j u s qu ' à l'endroit où eut
lieu le combat du 3 i ma r s ; les soldats
s'enfuient vers la plaine et les Kurdes,
à Chen . Dans ce d e u x i ème combat,
nous avons eu comme victime Dono ï -
Hé r o d ' Al i a n , jeune homme très brave;
l'ennemi a eu de nombreux tués et
blessés.
Le
12 25
av r i l , vers le soir, le vali
a envové à Séma l , comme délégué,
Ar ake l Vartabed, a bb é du couvent de
Sourp Oh a n , lequel était porteur d'une
lettre du Patriarche et d'autres écrits
des « arachnorts » de Mou s h et de
Bitlis et des notables de Mo u s h . Pour
lui r é p o n d r e , nous nous sommes
rendus à Ké g h a c h e n , où nous devions
nous r é un i r , dans la ma t i n é e du
i3
/2
Ô
a v r i l , à
1
heur e ; nous y atten–
dions l'arrivée de Hi r a ï r , quand sou–
dain des cris de combat se firent
entendre.
Les négociations
du vali cachaient
un simple guet-apens ; son
intention
aurait été de nous surprendre tous réu–
nis el de nous anéantir
ainsi d'un seul
coup.
A une heure du ma t i n , les sol–
dats et les tribus s'avancentvers Ch é n i k
et de là à S éma l . Hi r a ï r , avec sa bande,
se trouvait à S éma l ; il remarque que
l'ennemi se tient sur la 'défensive, i l se
dirige aussitôt avec le peuple vers les
hauteurs; Séma l aussi est i n c e nd i é à
son tour. Nos fédaïs voulant c ouvn r la
retraite de la population de Séma l , tar–
d è r e n t à occuper des positions sur les
hauteurs et l'incendie de Séma l les
emp ê c h a d'épier les o p é r a t i o n s de l'en–
nemi.
On lire
i 5
coups de canons sur
Sémal et de tous côtés on envahit le
village ; nos camarades cèdent devant
l'ennemi et se retirent à T c h a ï , où sont
tués notre p r é c i eux camarade Hi r a ï r ,
le soldat Mado d ' Akh a l s z kh a , Ghirbo
de Sémal et quelques autres personnes
du peuple. L ' ennemi s'avance j u s qu ' à
Guellieh-Guzan où des bandes de fédaïs
arrivent et attaquent les soldats; ceux-
ci sont vaincus et prennent la fuite en
combattant; les fédaïs les refoulent
assez l o i n . Dans ce combat furent bles–
sés S é b o u h , Dé c u r i o n , et quelques au–
tres soldats ; l'ennemi a eu plus de
100
tués et de nombreux blessés. Au j ou r –
d'hui de nouveaux soldats s o n t a r r i v é s d e
Mou s h ; auron-nous, peut-être, dema i n ,
une nouvelle lutte.
III
M o u s h ,
18
a v r i l - i " m a i
1904.
Le vali, Férid pacha, dès son arrivée
à Mou s h , le
12
a v r i l , s'est dirigé vers
Ler el a d o n n é l'ordre de massacrer;
les villages de Ch é n i k et de Séma l furent
i n c e n d i é s ; une lutte violente eut lieu.
Quand Ar ake l Vartabed, délégué, était
en négociations à Ké g h a c h e n , les sol–
dats ont assiégé Séma l et la bataille
s'engagea aussitôt. Nous avons é p r ouv é
une perte i r r épa r ab l e en la personne de
H i r a ï r ; ses camarades l u i avaient con–
seillé de rentrer chez l u i et de les laisser
continuer la lutte avec le peuple, mais
A r mé n a k avait r é p o n d u : « Je mourrai
aujourd'hui. »
Quand S é b o u h de Ba ï bou r t h
fut
blessé, i l tira son épée et s'en porta un
coup à la poitrine, en disant : « A Dieu
ne plaise que je tombe vivant dans les
mains de l'ennemi. » Mais les cama–
rades l'ont t r a n s p o r t é vivant à Guellieh-
Guz an .
Le cadavre d ' Hi r a i r aussi fut trans–
porté à grande pompe à Guellieh-Guzan
et i n h um é près de S é r o p -Ag h p u r .
Il v a ici
20
bataillons de soldats,
dont
12
se sont dirigés vers Le r . sans
compter les Kurdes, dont le nombre
atteint aujourd'hui
10,000.
Les pavsans
du Sassoun aussi nous vinrent en aide,
dans le susdit combat et ils ont tué
nombre de soldats et de Kurdes ; plus de
100
soldats ont été tués et des Kurdes
é g a l eme n t en nombre double; on ne
connait pas encore le nombre des
blessés ; des officiers blessés furent
transférés à Mou s h et de nouveaux
renforts furent envoyé s .
Jusqu'ici nous avonseu,chez les fédaïs
et les Sassouniotes, environ
20
vic–
times. Nous avons e nvoy é une note
officielle au consul anglais de Bitlis,
pour q u ' i l t é l ég r aph i e à son tour à
Constantinople. Nous avons é g a l eme n t
e nvoy é une d é p ê c h e au consul d'Erze–
r o um.
Kurdes et Tu r c s ont pillé et dévasté
les villages de Sassoun. Les Kurdes
avaient a p p o r t é , pour les vendre au
ma r c h é , le calice et l'encensoir de l'é–
glise de Semai ; nous les avons a che t é s .
Une c h è v r e a été vendue à
40
paras
(5
o
centimes), un bœuf, une vache, à
i 5
piastres (3 fr.
5
o ) .
E n ville et dans la plaine, la situa–
tion est i n t o l é r a b l e ; nous avons cessé
presque e n t i è r eme n t d'aller au bazar,
et aujourd'hui, comme c'est dimanche,
il est bien probable que nous ne pour–
rons pas sortir de chez nous même
dans la ma t i n é e .
Mais tous sont prêts à la lutte su–
p r ême et à la mort pour ne plus souf–
frir sous la tvrannie turque et kurde.
Ce sera peut-être ma de r n i è r e lettre.
Lettres d'Erzeroum.
E r z e r o u m ,
3
M a i
1904.
Les nouvelles de Mou s h sont tardives
et i n c omp l è t e s . Les relations sont ren-
Fonds A.R.A.M