QUATRIÈME A N N É E .
—
N ° 8 5 .
L e N u m é r o :
30
centimes.
1 5
MA I
1 9 0 4 .
Pro Armenia
R é d a c t e u r en Chef :
Pierre QU I LLARD
Adresser tout
ce qui concerna la Direction
à M. Pierre QUILLARD
lO, Rue Nollet, T'aies
—
—
ABONNEMENTS !
France
S »
É t r a n g e r
l O »
Paraissant le
I
er
et le i5 de chaque
mois
COMITÉ D E RÉDACTION :
3 .
Clemenceau, Anatole France, Jean Jaurès
Francis de Pressensé
S e c r é t a i r e de la R é d a c t i o n :
Jean LONGUET
A D M I N I S T R A T I O N :
Avenue de l'Observatoire, 3
P A K I s
ABONNEMENTS :
France
S »
É t r a n g e r
l O »
S O M M A I R E :
D e r n i è r e heure : L ' A g o n i e de S a s s o u n . — Informa–
tions : L a Situation a u S a s s o u n ; A H a s s a n - K a l é ;
U n C o m m u n i q u e de l'Ambassade ottomane ;
L ' A c t i o n des Am b a s s a d e s ; L ' A c t i o n d u Patriar–
c h a t ;
V a r t k è s ; A u C a u c a s e ; L a R é u n i o n de
L o n d r e s . — Lin A r t i c l e d u
Matin.
—
L a Q u i n –
zaine : A v a n t le massacre ( P I E R R E Q U I L L A R D ) . —
Les M o r t s de Passen et de Delibaba. — Lettre
d u Caucase. — L e Meeting international P r o -
A r m é n i e n d u Caire. — Lettre de C o n s t a n t i n o p l e .
Dernière heure.
L'AGONIE DE SASSOUN
Lundi matin, 16 M a i .
Nous interrompons le tirage du
n umé r o pour publier une tragique d é p ê –
che de Tiflis a r r i vé e dans la nuit. Le s
é v é n eme n t s qu'elle relate datent de
plusieurs semaines; i l en a été de même
lors du massacre de Hounan (5 février)
qui fut connu en Europe seulement le
15
mars dans tous ses d é t a i l s .
A i n s i i l est d é s o rma i s impossible de
douter. Les é v é n eme n t s de 1894 se re–
produisent presque identiquement au
Sassoun. Il y eut alors six mille A r mé –
niens é g o r g é s , vingt-deux villages
d é t r u i t s , plus de mille maisons incen–
diées : lemuchir Zekhi-Pacha qui p r é –
sida à ces a t r oc i t é s est toujours c om–
mandant du 4
e
corps d ' a rmé e . Ouant au
vali de B i t l i s , le kurde Fé r i d - b e y , r é c em–
ment arrivé de Constantinople, a p r è s
avoir reçu les instructions du Sultan, i l
était, lors des massacres de Constanti–
nople, s e c r é t a i r e de la mun i c i p a l i t é de
P é r a , et dans les c h a r r e t é e s de cadavres
que M . de la Bou l i n i è r e , c h a r g é d'affaires
de France, vi t passer sur la route de
P é r a au c ime t i è r e a rmé n i e n de Pan -
caldi, les victimes de ce haut policier
se comptaient par centaines.
Le s consuls e u r o p é e n s de B i t l i s ,
e n v o y é s d'urgence à Mo u s h , vont-ils,
comme les é v ê qu e s a rmé n i e n s , être les
t émo i n s impassibles de ces tueries nou–
velles? Le s ministres des affaires é t r a n –
g è r e s de France et d'Angleterre, aver–
tis depuis de longs mois, de ce qu i se
p r é p a r a i t au Sassoun, seraient respon–
sables du sang ve r s é , devant le par–
lement de leur pays : une seule parole
é n e r g i q u e dite par eux, le geste du
petit doigt levé contre l'Assassin peu–
vent en effet a r r ê t e r i mmé d i a t eme n t
les massacres.
V o i c i la d é p ê c h e de T i f l i s :
Tiflis, 15 mai,
6
h e u r e s d u s o i r .
Les villages arméniens de la
plaine de Moush sont tous occu–
pés par les réguliers turcs et par
les Kurdes qui commettent toutes
sortes de vexations et d'atrocités ;
la population chrétienne, cherchant
un refuge, se sauva en masse dans
les montagnes du Sassoun qui fu–
rent cernées par les troupes et les
bachibouzouks.
De là une série de luttes san–
glantes qui s'engagèrent entre les
Sassouniotes et les forces gouver–
nementales.
Le 31 mars 12 avril les Sassou–
niotes repoussèrent vigoureuse–
ment une attaque des assaillants et
leur infligèrent de grandes pertes.
Le 10 23avril legouverneur de
Bitlis arriva avec quelques milliers
de réguliers et de Kurdes accom–
pagné des évêques arméniens de
Moush et de Bitlis; malgré la pré–
sence des évêques, le village de
Chenik fut pris et incendié; puis
ils se dirigèrent vers Semai. Mais
les Sassouniotes conduits par le
chef Hrayr les repoussèrent en
leur tuant quelques dizaines d'hom–
mes; alors le 13 25 avril, sur l'or–
dre du gouverneur, le supérieur
du couvent de Sourp Arakelotz et
les évêques de Bitlis et de Moush,
munis d'une lettre du patriarche
arménien, se rendirent à Semai
avec mission d'engager les Sas–
souniotes à se soumettre; mais ce
n'était qu'une manœuvre; car le
13/26
avril tandis que les chefs
arméniens, quittant les hauteurs,
allaient à la rencontre de la com–
mission pour engager avec elle des
pourparlers, à Khegaschen, le gou–
verneur donnait l'ordre d'attaquer
les Sassouniotes pour surprendre
les chefs à l'improviste.
Le plan ne réussit pas; les chefs
et les habitants eurent le temps
de se retirer tandis que Semai et
Daschtok étaient pris, ruinés et
incendiés par une batterie d'artil–
lerie.
Les troupes poursuivant les ha–
bitants marchèrent sur Guellieh-
Guzan où elles se heurtèrent aux
habitants arméniens qui arrivés
en hâte de tous les côtés avaient
réussi à se grouper. Une lutte
sanglante s'engagea. Les Turcs
furent battus et repoussés," lais–
sant sur le champ de bataille,
136
morts, de nombreux blessés
et des fusils; Arméniens tués, 7,
dont le chef Hrayr; blessés, 8. Le
gouverneur reçut du renfort le
14 27
avril. On attend une nouvelle
bataille.
Fonds A.R.A.M