pie
        
        
          et l.égofgeuf de 300.000 A r mé –
        
        
          niens, qui devrait depuis longtemps
        
        
          avoir disparu de la face de la terre,
        
        
          s ' é t onne de demeurer vivant, pa rmi
        
        
          l'exécration universelle, et s'ose en–
        
        
          qué r i r de la s an t é du Pape à l'agonie.
        
        
          
            Dans les prisons hamidiennes
          
        
        
          
            De Smyrne
          
        
        
          à
        
        
          
            Saint-Jean d'Acre
          
        
        
          
            (
          
        
        
          
            Lettre d'un Prisonnier politique arménien.)
          
        
        
          
            (
          
        
        
          
            Suite et fin.)
          
        
        
          Nous craignions toujours de tomber
        
        
          malades, mais heureusement, jusqu'au–
        
        
          jourd'hui, je me porte bien ; on dirait
        
        
          qu'une force surnaturelle nous soutient
        
        
          dans des instants pareils. Mais malheu–
        
        
          reusement B . . . est toujours souffrant et
        
        
          Ohannès a la voix enrouée. Enfin nous
        
        
          passâmes aussi cette mauvasenuit; nous
        
        
          nous levâmes tous le matin de bonne
        
        
          heure et nous nous disions que nous
        
        
          allions être enfin délivrés de nos souffrances;
        
        
          nous ne pouvions songer que des souf–
        
        
          frances pires nous attendaient ; on nous fit
        
        
          sortir et on commença à nous passer le
        
        
          carcan au cou ; les carcans d'ici ainsi que
        
        
          les chaînes sont gros. Bientôt après, nous
        
        
          vîmes un gendarme chargé de menottes
        
        
          s'avancer vers nous ; nous nous deman–
        
        
          dions à qui étaient destinées tant de
        
        
          menottes, nous ne savions pas que c'était
        
        
          à nous ; on nous passa aussi les menottes
        
        
          aux mains, comme si les carcans ne nous
        
        
          suffisaient pas; mais nous apprîmes plus
        
        
          tard que c'était à cause du crime de la nuit
        
        
          passée que cette mesure était prise et comme
        
        
          nous devions voyager aussi avec les Alba–
        
        
          nais, on devait aussi nous passer les me–
        
        
          nottes ; quand on nous les passa aux mains,
        
        
          nous espérions qu'on allait nous les enlever
        
        
          dans le bateau ; mais notre situation était
        
        
          devenue plus insupportable, car au moins,
        
        
          auparavant, nous avions les mains libres,
        
        
          mais maintenant nous avions aussi les
        
        
          mains enchaînées.
        
        
          Enfin, nous arrivâmes au quai, mais nous
        
        
          ne voyions pas notre bateau ; nous interro–
        
        
          geons; on nous montra un petit bateau qui
        
        
          se trouvait tout près de nous; ce bateau
        
        
          appartient à un Arabe chrétien et fait la
        
        
          traversée de Beyrouth à Jaffa et
        
        
          
            vice versa
          
        
        
          une fois par semaine; nous nous embar–
        
        
          quâmes au nombre de
        
        
          2 3 ;
        
        
          nous autres,
        
        
          nous étions
        
        
          5
        
        
          et i l y avait
        
        
          18
        
        
          Albanais. Nous
        
        
          partîmes à
        
        
          3
        
        
          heures et nous demandâmes
        
        
          alors de nous enlever nos menottes et on
        
        
          nous répondit grossièrement que nous
        
        
          allions garder nos carcans et nos menottes
        
        
          jusqu'à la prison de Saint-Jean-d'Acre,
        
        
          c'était là l'ordre formel. Les gendarmes qui
        
        
          nous conduisaient étaient tous des Arabes,
        
        
          gens qui ne veulent rien comprendre et
        
        
          n'ont aucun sentiment d'humanité. Ce •
        
        
          jour-là il faisait beau et la mer était très
        
        
          calme, on dirait que nous faisions une pro–
        
        
          menade sur le Bosphore ; malgré le calme
        
        
          de la mer, G. . . resta languissant jusqu'à
        
        
          Saint-Jean-d'Acre; je ne peux pas compren–
        
        
          dre cela, aussitôt qu'il est sur mer, le mal
        
        
          le prend. Voyant qu'il n'y avait aucun
        
        
          moyen de nous faire enlever les menottes,
        
        
          nous fûmes obligés de nous taire : que pou–
        
        
          vions-nous faire déjà en pleine mer? Im–
        
        
          mobiles, nous restâmes ainsi jusqu'au soir,
        
        
          mais nous songions toujours à la nuit. La
        
        
          nuit arriva, et à mesure qu'elle s'avançait
        
        
          nos souffrances augmentaient; d'un côté
        
        
          les veilles de trois à quatre jours, d'un autre
        
        
          côté le froid en pleine mer, ajoutez à cela
        
        
          le fardeau des carcans et les menottes qui
        
        
          nous condamnaient à l'immobilité, nous
        
        
          avaient réduits à un état désespéré; il n'y
        
        
          avait pas autre moyen, nous étions obligés
        
        
          de veiller assis jusqu'au matin; mais les
        
        
          paroles sont faciles : imaginez-vous une fois
        
        
          nous tous alignés, attachés l'un à l'autre,
        
        
          incapables de faire le moindre mouvement ;
        
        
          on nous avait tellement serré les mains
        
        
          avec les menottes que la plupart de nous
        
        
          eurent les mains enflées; nous les mon–
        
        
          trâmes au cinquantenier et lui demandâmes
        
        
          de nous enlever les menottes au moins pour
        
        
          quelques heures de nuit, mais toutes nos
        
        
          prières furent vaines; il fallait rester ainsi
        
        
          encore to heures et nous autres nous étions
        
        
          incapables de résister même une heure,
        
        
          nous comptions les minutes, et quand une
        
        
          heure s'était écoulée, nous nous l'annon–
        
        
          cions l'un à l'autre; ces minutes nous pa–
        
        
          rurent des siècles.
        
        
          Enfin nous passâmes ainsi la nuit, et
        
        
          nous arrivâmes le matin de bonne heure à
        
        
          Jaffa où, après avoir attendu trois heures,
        
        
          nous nous dirigeâmes vers Saint-Jean-
        
        
          d'Acre, qui est à une demi-heure de Jaffa ;
        
        
          bien que Jaffa se trouve au-dessus de Saint-
        
        
          Jean-d'Acre, néanmoins le bateau prenant
        
        
          cet itinéraire, arrive d'abord à Jaffa, et puis
        
        
          rebroussant chemin, retourne à Saint-Jean-
        
        
          d'Acre ; nous arrivâmes à Saint-Jean-d'Acre
        
        
          en une demi-heure; Saint-Jean-d'Acre est
        
        
          une ville forte ; quand on la regarde de
        
        
          près, on ne voit que des fortifications. Nous
        
        
          montâmes dans une grande barque et nous
        
        
          débarquâmes ; une foule immense envahis–
        
        
          sait le rivage, car il paraît que, à Saint-Jean-
        
        
          d'Acre, tout le monde savait l'arrivée des
        
        
          prisonniers, et on était venu nous regarder.
        
        
          Nous arrivâmes à la prison en une demi-
        
        
          heure; la porte de la prison est une petite
        
        
          porte, et dans cette porte, i l y a un trou par
        
        
          où à peine un homme peut pénétrer; nous
        
        
          pénétrâmes par ce trou dans la prison. La
        
        
          prison de Saint-Jean-d'Acre est très petite.
        
        
          Quand on entre par ce trou, on se trouve
        
        
          en face d'une cour avec des chambres des
        
        
          deux côtés; dans quelques-unes de ces
        
        
          chambres se couchent les gendarmes, une
        
        
          autre sert d'hôpital ; dans la cour, il y a une
        
        
          porte en grille par où on va au jardin, ou
        
        
          pour mieux dire, dans une espèce de cour,
        
        
          car il n'y a pas de jardins à Saint-Jean-
        
        
          d'Acre; dans cette cour, on lave le linge et
        
        
          on l'étend là. A gauche, il y a un endroit
        
        
          clos, où se trouvent trois portes; la porte de
        
        
          de droite est celle de la cellule réservée aux
        
        
          chrétiens, mais comme maintenant il n'y a
        
        
          pas assez de place, ici aussi les chrétiens et
        
        
          les musulmans sont mélangés comme à
        
        
          Constanttnople ; nous autres, nous entrâ–
        
        
          mes dans la cellule de gauche; les portes
        
        
          des cellules sont très grandes, mais d'après
        
        
          le système usité à Saint-Jean-d'Acre, dans
        
        
          ces portes on a pratiqué des trous par où
        
        
          on peut à peine pénétrer. Une fois dans la
        
        
          cellule, j'étais épouvanté : « C..., m'écriai-je,
        
        
          est-ce donc ici que nous allons nous cou–
        
        
          c h e r ? » Des deux côtés, il y a des marches
        
        
          en pierres sur lesquelles reposent des plan–
        
        
          ches, et sur lesquelles se couchent les prison–
        
        
          niers; le milieu de la cellule est en pierre,
        
        
          excessivement sale, ici on n'a pas idée delà
        
        
          propreté. A Saint-Jean-d'Arc, il y a disette
        
        
          d'eau; dans la cour i l y a un réservoir où
        
        
          passe un très mince tuyau de fer, par où
        
        
          coule un très faible filet d'eau ; et on em–
        
        
          ploie l'eau sale du réservoir, c'est-à-dire
        
        
          qu'on lave le linge avec et qu'on s'y débar–
        
        
          bouille en même temps; les prisonniers se
        
        
          débarbouillent le matin avec cette eau sale ;
        
        
          les cellules n'ont pas de fenêtres, i l y a seu–
        
        
          lement des trous au plafond, d'où l'air pé–
        
        
          nètre ; il n'y a qu'une seule cellule qui pos–
        
        
          sède une fenêtre par où l'air pénètre libre–
        
        
          ment.
        
        
          La prison de Saint-Jean-d'Acre est admi–
        
        
          nistrée par le système admis dans les pri–
        
        
          sons turques; tous les fonctionnaires sont
        
        
          des gendarmes; i l y a seulement deux gar–
        
        
          diens qui sont chargés d'acheter au marché
        
        
          le nécessaire des prisonniers ; il y a aussi un
        
        
          gardien en chef ; tous les autres sont des
        
        
          militaires. Il ne faut pas oublier de vous
        
        
          dire qu'ils sont tous arabes, tous hypocrites,
        
        
          grossiers, sauvages et barbares; pour vous
        
        
          dire tout en un mot, les gardiens des pri–
        
        
          sons, à Constantinople, sont à côté de ceux-
        
        
          ci, lés gens civilisés de Paris. Vous pouvez
        
        
          conclure.
        
        
          Peut-être, en lisant cette description,
        
        
          serez-vous émotion nés, mais ne vous tour–
        
        
          mentez pas, camarades; car nous sommes,
        
        
          maintenant, des hommes nouveaux et.
        
        
          meilleurs; avec une force naturelle, nous
        
        
          avons su supporter toutes les souffrances;
        
        
          aujourd'hui nous sommes vivants. La se–
        
        
          maine passée,
        
        
          12
        
        
          bulgares arrivèrent ici de
        
        
          Constantinople; nous avons appris quel–
        
        
          ques nouvelles; nous étions très satisfaits
        
        
          quand nous apprîmes que vous vous por–
        
        
          tiez tous bien. Cette semaine,
        
        
          3
        
        
          o
        
        
          bulgares
        
        
          sur les
        
        
          80
        
        
          autres furent remis en liberté
        
        
          par amnistie.
        
        
          Nous n'avons pas eu de nouvelles jus–
        
        
          qu'ici; nous en attendons avec impatience.
        
        
          Fonds A.R.A.M