Mais la tuerie de Belgrade porte un en–
seignement i mmé d i a t : i l n'est point de
refuge pour un souverain m ê m e oriental
contre la haine de tout son peuple, justifiée
ou non . Certes n i Alexandre ni Draga n'au–
raient c ommi s de méfaits transcendants :
s'ils abusaient du pouvoir, selon la coutume
de tous les chefs de peuples, ils ne tenaient
point dans la terreur absolue toute la popu–
lation du royaume et ne faisaient pas de la
délation le seul instrument de règne et ils
n'avaient pas, comme d'autres, e x t e r m i n é
trois cent mille de leurs sujets. Cependant
ils ont péri
m i s é r a b l eme n t , dans une
effroyable tragédie de palais et sous les
fenêtres du kon a k o ù gisaient leurs cadavres
encore chauds, la foule féroce poussait des
clameurs de joie./D'autres qui sont souillés
de crimes sans nombre contre l ' h uma n i t é ,
c o n n a î t r o n t par là comment leur peuple
accueillerait la nouvelle de leur mort, le
jour où ils d i s p a r a î t r a i e n t et Georges Cle–
menceau, dans
YAurore,
a fort bien i n d i –
q u é quelles doivent être leurs réflexions
présentes : « Le Sultan assassin, dans son
repaire, s'entourera de p r é c a u t i o n s nou–
velles contre le spectre de Mi d h a t ou la
vengeance de l ' A rmé n i e . »
E N MA C É DO I N E .
—
Ta n d i s que certains
journaux français é t o n n e n t leurs lecteurs
capables de quelque discernement en don –
nant à u n mois de distance des i n f o rma –
tions contradictoires sur la Ma c é d o i n e et le
régime hami d i en , après de longues tergi–
versations, le Sultan consent à recevoir
M . Nachtchevitch, e n v o y é officieux d u
prince de Bulgarie. L a mission de M . Nacht–
chevitch fut ma l accueillie d'abord en
Russie ou en Autriche, les puissances soi-
disant protectrices, ne pouvant tolérer que
la p r i n c i p a u t é Bulgare se permette d'inter–
venir directement dans les affaires de Ma c é –
doine. Ma i s i l paraît maintenant que par
un ma c h i a v é l i sme s u p é r i e u r le prince Fer–
dinand et le gouvernement russe, en lais–
sant agir les Bulgares, adversaires de la
tutelle moscovite, ne se font aucune i l l u –
sion sur l'efficacité réelle d'une entente
directe par l ' i n t e rmé d i a i r e de M . Nacht–
chevitch et voudraient simplement rejeter
sur la T u r q u i e la responsabilité de l'échec
très probable des n é g o c i a t i o n s . T e l est le
plan subtil exposé par le correspondant de
la
Frankfùster
Zeitang.
De leur côté les
journaux turcs ne cessent de se féliciter des
bons offices du gouvernement grec qu i
livre à la T u r q u i e nombre d ' « agitateurs
ma c é d o n i e n s » et
Y Officiel
de Cossova an–
nonce que « la réorganisation du service des
g a r d e s - c h amp ê t r e s a c o mm e n c é à produire
son effet. » Ex emp l e : « le garde c h a mp ê t r e
de Yé n é Va v o u c h a réussi à arrêter le voleur
qui avait enlevé quatre bœu f s à un c h r é –
tien » et celui de P r é p o l a arrêté quelques
voleurs « au moment o ù ils allaient pren–
dre trois juments et un étalon ».
Le vrai est qu'aucune réformé n'a été ni
ne sera effectuée et que la détresse est tou–
jours aussi grande dans les vilayets Ma c é –
doniens. O n en peut juger par l'extrait du
journal d'un consul e u r o p é e n , à Mona s t i r ,
r é s i d a n t depuis vingt ans dans le pays. Ce
document a été publié par le
Manchester
Guardian.
« 2
avril.
—
P r è s de Perlépé, un paysan
mu s u l ma n est surpris sur la route par des
i n s u r g é s Bulgares et mis à mort. Sa mè r e
est soumise à des tortures indescriptibles,
puis tuée et finalement mu t i l é e .
« 4
et
5
avril.
—
Dans le m ê m e district,
trois meurtres sont c ommi s , probablement
par des i n s u r g é s .
« 6
avril.
—
A u village de Ma h o v o , un
d é t a c h eme n t de :5o soldats arrive ; ils b r u –
talisent une q u a n t i t é de paysans et leur
extorquent des vivres, dont ils les obligent
ensuite à leur donner quittance par écrit,
c omme s'ils avaient payé.
« 8
avril.
—
Dans un village de mo n dis–
trict, le préfet (.Kaïmakam) invite les nota–
bles c h r é t i e n s à se r é u n i r dans leur école
pour choisir leurs g a r d e s - c h amp ê t r e s , con–
f o r m é m e n t au plan de réformes. E n sortant
de l'école, i l s s on t a c cue i l l i s pa r une fusillade
tirée par les mu s u lma n s ' du village. L e
maire et u n paysan sont t u é s , un autre
blessé. Un e e n q u ê t e est ouverte, mais aucun
mu s u l ma n n'est i n c u l p é , tandis qu ' un ou
deux c h r é t i e n s sont e mp r i s o n n é s , sans
doute pour s'être plaints.
«
g avril.
—
U n enfant chrétien est t u é
sur la grande route de Mon a s t i r par un
turc a r m é .
« 10
avril.
—
A u village de Serlré, le
prêtre chrétien et le maire sont t u é s .
«
io avriL^
—
A P o dmo l , le père et le
fils (chrétiens) sont tués par les bachi-bou-
zouks.
«12
avril. —
S i x c h r é t i e n s revenant d u
m a r c h é de Mo n a s t i r dans leurs villages,
sont tués sur la route par des bachi-bou-
zouks.
« 12
avril.
—
Deux
prêtres sont tués pour
avoir d o n n é des renseignements sur des
brigands albanais.
«
i5
avril.
—
T r o i s c h r é t i e n s sont tués
dans différents villages près d ' Och r i da , par
des bachi-bouzouks, l'un d'eux pour avoir
refusé de donner'son cheval.
« 20
avril.
—
U n c h r é t i e n est t u é , près
d ' Oc h r i d a , pour avoir d e m a n d é à un T u r c
de l u i rendre son cheval q u ' i l l u i avait
e m p r u n t é .
« 2
Q avril
—
T r o i s c h r é t i e n s sont t u é s
par les Tu r c s , près d ' Och r i da , en allant au
m a r c h é .
«
Du 16 au 3o avril.
—
A u village de
K i c h o v o : d i x meurtres.
« 6
et y mai.
-
Les massacres à Mo n a s –
tir : 2 5 tués, un grand nombre de blessés.
9
c h r é t i e n s sont tués le m ê m e jour dans les
villages voisins, et les bandes bulgares c om–
mencent à venger les leurs en tuant des
paysans mu s u lma n s .
« 16
mai.
—
A u village de K i c h o r o : U n
d é t a c h eme n t de soldats arrive. Ils menacent
les paysans et commencent leurs o p é r a t i o n s .
Les officiers acceptent des villageois u n
pot-de-vin de 6 livres pour emp ê c h e r leurs
hommes de les brutaliser. L e lendemain
quelques soldats entrent dans une maison
bulgare; ils demandent d'abord 8 livres,
puis la femme d u ma î t r e de la ma i s on .
Heureusement, elle s'était cachée et i l est
impossible de la trouver. Son ma r i est
obligé de donner tout l'argent q u ' i l possède.
40
paysans vont trouver le Ka'tmakan le
plus proche et se plaignent d'avoir été b r u –
talisés. Il les injurie, les appelle « giaours »
et les pousse dehors.
«
iy mai.
—
U n mu s u l ma n blesse sé–
rieusement un chrétien à Mon a s t i r . Il est
arrêté, mais mis en liberté Le lendemain.
« 18
mai.
—
L e consul visite la prison.
Il trouve deux hommes qu i sont i n c a r c é r é s
depuis le mois d ' a o û t dernier. Au c u n e
charge n'a été relevée contre eux. L e c on s u l
demande au vali pourquoi ils sont là. 11
r é p o n d q u ' i l n'en sait rien. Il a écrit, i l y a
quelques mois à un s u b o r d o n n é , pour d é –
couvrir le motif. Les prisonniers resteront
là j u s q u ' à ce qu'une r é p o n s e soit a r r i v é e » .
A i n s i les atrocités turques et les r e p r é –
sailles m a c é d o n i e n n e s se poursuivent et si
l'activité des bandes paraît moins forte en
ce moment, i l n'en faut pas inférer qu'elle
doive cesser de sitôt. Il est au contraire fort
probable qu'elle reprendra de plus belle, une
fois les récoltes levées, là o ù i l y a encore
espoir de récoltes.
PRESSE HAM I D I E NN E .
—
Il faut rapprocher
du journal consulaire, cité plus haut, u n
article tout récent de
Ylkdam,
o ù le me n –
songe officiel s'étale magnifiquement :
Les mesures prises en Roumélie par le gou–
vernement impérial, mesures qui, depuis leur
mise en application, ont assuré le calme et la
tranquillité dans ces provinces, sont grande–
ment appréciés en Europe où l'on s'exprime
d'une façon élogieuse à l'endroit de S. M . I. le
Sultan.
Les consuls de France et d'Angleterre, qui
ont visité Echteb, ayant constaté de visu la sé–
curité et la tranquillité qui y régnent, en ont
félicité le gouvernement impérial.
Nous apprenons de source certaine que les
rapports présentés au ministère des affaires
étrangères de France, disent que la situation
générale des provinces de la Turquie d'Europe
a été sérieusement réformée et améliorée.
D'autre part, on nous rapporte également de
source autorisée que tous les notables d'Ipek
ont déclaré qu'ils obéiront à tous les ordres du
gouvernement et qu'ils forment des vœux
à
Fonds A.R.A.M