V I L A Y E T DE MONA S T I R . —
Perlépé.
Ta n –
dis que des corps de poursuite, sous pré–
texte de poursuivre les bandes révolution–
naires et les brigands commettent toutes
sortes de c r u a u t é s sur les habitants paisi–
bles, le fameux Isliam Tchaouche de Garany
et un tas de petites bandes de brigands
visitent les villages, les imposent ou les pil–
lent et terrorisent la population c h r é t i e n n e .
Tout l'arrondissement est dévasté. Le gou–
vernement ne se d é r a n g e pas pour poursui–
vre les brigands qui servent à souhait ses
desseins.
Il y a trois ou quatre jours, Isliam Tchaou–
che ayant r e n c o n t r é avec sa bande cinq vil–
lageois de
Tzrechnovo,
les mit en pièces,
après les avoir dépouillés de ce qu'ils por–
taient sur eux.
Arrivé au village
Beniché
pour une se–
conde fois, Isliam Tchaouche essaya d'enle–
ver un jeune garçon pour le r a n ç o n n e r . L a
mè r e de celui-ci voulant s'y opposer, le b r i –
gand la tua d'un coup de revolver. L'enfant
réussit à s'échapper. Pendant ce temps, se
trouvaient dans le village une dizaine de
gendarmes, mais ils ne se d o n n è r e n t pas la
peine de poursuivre le cruel brigand, préfé–
rant au risque la nourriture que devaient
leur servir les villageois.
Dans le même village Bèntché, un gen–
darme tua d'un coup de crosse le kodja–
bachi qui n'avait pu l u i procurer del'eau-de-
vie, les villageois n'en p o s s é d a n t plus à force
d'abreuver les soldats et les gendarmes qui
passent par leur village.
Une plainte déposée entre les mains du
sous-préfet dè Perlépé a été laissée sans ré–
sultat.
Kasloria, le 2 décembre.
Une bande de
révolutionnaires, d'une dizaine de person–
nes, circulait depuis longtemps dans notre
arrondissement, sans que les corps de pour–
suite pussent la prendre. Il y a une semaine,
elle fut aperçue par un espion quand elle
entrait au village
Bobichla
et dénoncée au
gouvernement. Aussitôt, un d é t a c h eme n t de
soldats fut envoyé à sa poursuite. Le village
Bobichta fut cerné la nuit, et a t t a q u é dè s la
pointe du jour. L a bande résista et elle se
préparait à attaquer pour franchir les rangs
ennemis, lorsque de nouvelles forces v i n –
rent se joindre aux soldats, et b i e n t ô t le
nombre des Turcs dépassait les"400. Le com–
bat continua j u s q u ' à la nuit, très inégal et
très meurtrier. Alors, le chef de la bande,
Pètre Ga'ïcoff, voyant qu'il lui était impossi–
ble de s'échapper, se suicida, préférant la
mort à la prison.
Trois insurgés furent tués, et quatre bles–
sés mortellement. Les deux qui restaient
intacts ont disparu. Pendant le combat,
quatre notables furent tués par les Turcs,
qui alléguèrent après une mé p r i s e . Les
Turcs perdirent ce j o u r - l à plus de cinquante
soldats.
Ap r è s le combat, la soldatesque p é n é t r a
dans le village, perquisitionna toutes les
maisons, les pilla et emprisonna la plupart
des habitants paisibles, qu'elle soumit à une
torturé atroce. Plusieurs femmes furent en
outre violées. Les soldats ne q u i t t è r e n t le
village q u e l e lendemain, après avoir mis le
feu à plusieurs quartiers.
Le 28 novembre, un brigadier de gen–
darmerie, en passant près du couvent Tchou-
rilovo, à la tête de six gendarmes fut tué
d'un buisson et quelques-uns des gendarmes
furent blessés. Ceux qui purent s'échapper
allèrent au village
Gorenlzi
où ils déclarèrent
au chel des soldats qui s'y trouvent, qu'ils ont
été a t t a q u é s par une bande formée au village
Tchourilovo,
et c omma n d é e par le supérieur
du couvent. Les soldats se dirigèrent alors
sur ce village et, p é n é t r a n t dans le couvent,
emp r i s o n n è r e n t le supérieur et trois jeunes
gens qui s'y trouvaient par hasard. Passant
ensuite au village, ils y emp r i s o n n è r e n t un
grand nombre de c h r é t i e n s . Les arrêtés fu–
rent soumis à une torture atroce, pour les
obliger à faire des avœux. Les soldats per–
q u i s i t i o n n è r e n t ensuite les maisons et les
pillèrent.
J'apprends qu'un combat vient d'être
livré près du village
Lochnitzrà,
entre une
bande d'insurgés et des soldats turcs en–
voyés à sa poursuite. Je ne puis vous en
donner des détails aujourd'hui.
De nouveaux soldats sont arrivés der–
n i è r eme n t de Monastir. Ils sont d e s t i n é s à
renforcer les d é t a c h eme n t s qui r é s i d e n t
dans les villages chrétiens. Ils ne sont pas
pourtant faibles actuellement : dans chacun
des grands villages de notre arrondisse–
ment, tels que Zagoritchani, Smyrdeche,
Vicheny, Dymb é n i , Konomladi, i l y a plus
de 120 à 180 soldats. Les maisons sont trans–
formées en casernes et les villageois sont
déjà dans la misère, à force de nourrir les
soldats qui les persécutent.
D'autre part, l'agence
Paris-Nouvelles,
dans une d é p ê c h e du 6 janvier, révèle des
a t r o c i t é s toutes r é c e n t e s :
Plusieurs villages c h r é t i e n s de l'arrondis–
sement de Djoumaïa ont été pillés par les
Turcs avec de terribles raffinements de
c r u a u t é .
A Zélénitza, le chrétien Spas Gheorghieff,
âgé de trente ans, après avoir été fouetté et
mis en demeure de livrer son fusil par ces
mots : « Avoue, giaour, où i l y a des fusils»,
fut j e t é le visage contre terre et c h a r g é sur
le dos de grosses pierres pesant plus de
cent ocques (cent vingt kilos) ; après quoi,
les Turcs fixèrent de chaque côté de son v i –
sage deux b a ï o n n e t t e s et se mirent à le brû–
ler, de telle sorte que s'il remuait i l devait
être blessé par les b a ï o n n e t t e s ; pendant
tout cela, ils l u i adressaient les injures les
plus cruelles et les plus sales, l u i demandant
de d é n o n c e r "les notables les plus riches de
Zéténitza et les villages voisins, afin d'aller
tes piiter et voler leur argent.
L a b e l t e - sœu r de Spas Gheorghieff, Ve l i k a
Stoïtchora, se défendant contre teurs tenta–
tives de viol, eut les doigts d'une main tran–
chés, a p r è s quoi elle fut violée par plusieurs
soldats. Les bachibouzouks é g o r g è r e n t aussi
deux femmes, l'une, Yana Anghélova et
l'autre, Ghura Betkova, parce qu'elles ne
livraient pas assez vite aux Turcs les provi–
sions de la maison.
Ces scènes horribles ont fait l'objet de d i –
verses plaintes aux autorités ; mais jusqu'ici
les auteurs des crimes commis à Zélénitza
jouissent de l'impunité.
Vo i c i la liste des victimes de la barbarie
turque, dans le village chrétien de Serbi-
novo (Macédoine), leurs noms, leur âge et
l'indication du supplice infligé à chacune
d'elles :
1
° Nako Mantchoff, 60 ans, é g o r g é ;
2
° Christo Mkoloff, 32 ans, mort sous tes
coups ;
3
n
Blago Ilieff, 70 ans, coupé en morceaux
vivant ;
4"
Mitzo Kaline, 75 ans, la gorge coupée
d'un coup de poignard ;
Gheorghi Kalcheff, 70 ans, mis en p i è –
ces à coup de sabre ;
6
° An g h e l Ilieff, 43 ans, tué à coups de
b a ï o n n e t t e ;
7"
Enfant de G . Ilieff, 12 ans, t r a n s p e r c é
d'un coup de b a ï o n n e t t e ;
8
° Enfant de A . Ghéorgieff, 6 ans, c o u p é en
morceaux ;
9
° Filte du même A . Ghéorgieff, 10 ans,
violée et coupée en morceaux.
Q U E L Q U E S
FAVORIS n'Ann-UL
-
HAMiD.
Ve r s l a fin de j anv i e r 1 8 9 5 , à la t omb é e de
la nuit, u n sergent d'un des r é g i m e n t s
d'infanterie casernes autour du palais
d ' Y l d i z , traversa la grande rue du quartier
de P a n c a l d i , u n yatagan à la ma i n , frap–
pant tous ceux q u ' i l rencontrait. Dans
l'espace d'une heure, « i l put tuer ou bles–
ser dix-sept personnes sans que la police,
totalement absente dans celle partie cepen–
dant f r é q u e n t é e de P é r a , a i l fait le moindre
effort pour l ' a r r ê t e r . »
(
Livre Jaune,
af–
faires a r m é n i e n n e s , n° 33.) L'assassin r e n –
tra tranquillement à sa caserne.
Il
n
'
était autre qu'un certain F e h i m , fils
d'Ismet-bey, frère de lait d u Su l t a n . On
l u i substitua un soldat d u n om de Muslafa
q u i fut j u g é pour la forme, et r e n v o y é au
bout de deux mois dans ses foyers avec u n
solide ba ch s ch i ch .
F e h i m , q u i a maintenant 2 8 ans, devint
a u s s i t ô t u n des favoris du Su l t a n . Lo r s q u e
G a n i bey, l ' un des e x é c u t e u r s aux gages
de S a Majesté pour les meurtres i n d i v i –
duels, eut c e s s é de plaire el fut à son tour
a s s a s s i n é , F e h i m le r e mp l a ç a dans les
bonnes g r â c e d u ma î t r e . I l fut n o mm é suc–
cessivement pacha, g é n é r a l de brigade et
enfin
g é n é r a l de division à la suite d'un
exploit nouveau. Pendant le dernier rama-
zan, i l fut i n v i t é à faire
Vi/ïar
au Pa l a i s en
m ê m e temps que Mourad-bey, ce tclier-
kesse intelligent et versatile qu i s'enfuit,
voilà quelques a n n é e s ,
en
Eu r op e , mena
g r a n d bruit contre le r é g i m e h ami d i e n et
rentra ensuite à Con s t an t i nop l e . F e h i m , à
la vue de Mo u r a d bey, entra dans une
violente colère e l refusa de d î n e r a l a m ê m e
table q u ' u n homme q u i avait o s é « i n s u l –
ter son souverain chez les ghiaours. » E t
Fonds A.R.A.M