Nouvelles d'Orient
E N
M A C É D O I N E .
T a n d i s que les j ou r –
naux d'Europe se demandent si le P r i n c e
F e r d i n a n d deviendra r o i de Bu l g a r i e , et si
le ministre D a n e l ï r é u s s i r a à conclure u n
emprunt, violences et batailles continuent
en Ma c é d o i n e . V o i c i , d ' a p r è s
le Mouvement
Macédonien,
quelques-uns des faits r é c e n t s
les plus c a r a c t é r i s t i q u e s :
L a bataille h é r o ï q u e de
Kadino Sélo
dont
je vous ai parlé dans mes p r é c é d e n t e s lettres,
n'est pas restée sans c o n s é q u e n c e s d é s a s –
treuses pour la population de notre arron–
dissement. Pour se venger des pertes é n o r –
mes qu'ils ont subies, les Turcs ont p r é t e n d u
qu'ils ont trouvé sur les sept révolutionnaires
qui se d o n n è r e n t la mort, des lettres chif–
frées dans lesquelles figureraient les noms
de la plupart des affiliés au Comité ma c é –
donien. Ces lettres ont servi au gouverne–
ment turc pour poursuivre les gens suspects.
De nombreuses perquisitions furent opé–
rées surtout dans les maisons des gens
riches qui ont des parents au service de
l'Etat bulgare, et notamment chez Jordan
Stamboldjieff, Ivan Tanin, Spiro Troyat-
chanin, les frères Sougareff, les frères
Mitreff, Nicolas Minoff, Nicolas Tepayvoletz,
Pope Nalé, Damyan Simitchieff, etc.
A part ces perquisitions opérées à
Perlépé,
d'autres eurent lieu dans les villages
Sellché,
Lenichté,
Plelvar,
Orekhovelz,
Nebregovo,
Gorni Doupiatchin, Troyatzi, Senocos, P'o-
padia, Kocren, Pechlou, Bela- Voditza, Zabyr-
Ichani, Pristat, Be.chitza, Stepantzi, Kryslelz,
Raclé, Toplitza,
Tzarevik, Radobil,
Vilo-
lichta, Poltchichta, Bechichta, Necregovo, etc.
'
Plus de deux mille cavaliers de la garnison
de Perlépé ont opéré ces perquisitions.
Toutes les maisons, sans exception, furent
p e r q u i s i t i o n n é e s ; les soldats entraient dans
les maisons, fustigeaient les propriétaires,
violaient les femmes, enlevaient tout ce qui
pouvait leur être utile.
^
Ils r e n t r è r e n t b i e n t ô t à Perlépé, emportant
un grand butin et amenant des chaînes de
prisonniers. Parmi les arrêtés sont :
Ilya Mitcoff, Tzeco Mirtcheff, Ko n é Chich-
coff, Anton, Païnacoff, Spiro Tapanoff, Dont-
cho Simonoff, le maître d'école Matcheff,
Gheorghi Ilieff, Traïtcho Constantinoff,
Stefan Blasteff, Tassé Strelcoff,
Vassiz
Terzieff, Bisté Ilieff, Talé Moïssoff, Bisté
Tocheff, Todé Socoloff, Ivan Tzyrvencoff,
Jordan Marcoff, Stanco Doudeff Iovantehé
Liameff, Todé Belobouloff, M . Nechkoff,
Vélé, Piraltchô, Spiro Bcltcheff, Mile Ogh-
nianoff, Talé Jereff, S. Oghnianoff, Z. B o -
goeff, Iovlcheff, T. Voïvodoff, K . Yvanoff,
.
A . Atchkoff, B . Veleff, T. Stefanoff, K . Tcher-
koff, D. Balu, P. Stefanoff, M . Dimeff,
T. Iovtcheff, en tout plus de 150 personnes.
L'instruction est dirigée par le commis–
saire de police N%zmi Effendi qui, pour tirer
dés aveux, emploie toutes les tortures que
la police turque a pu imaginer jusqu'aujour–
d'hui. Spiro Petreff, To d é Socoloff, Stefan
Blasteff, etc., etc., furent a s s ommé s de
coups.
L'institutrice Tzvetana Senocoslieva et
quelques autres femmes furent aussi empri–
s o n n é e s et soumises à la torture.
Des d é t a c h eme n t s de soldats furent de
nouveau expédiés dans l'arrondissement
pour opérer de nouvelles arrestations et
pour piller les villages. L a terreur est
grande, personne n'est s û r de ce que l u i
apportera le lendemain.
Le bruit avait couru ces jours derniers
qu'une nouvelle bande, sous le commande–
ment du révolutionnaire Gligor Nebyrtcha-
nin, s'était mo n t r é e sur la route de
Perlépé
à
Keuprulu.
De forts d é t a c h eme n t s furent
envoyés a sa poursuite. Le village
Nicodim
fut cerné par les soldats qui, n'y trouvant
rien, allèrent cerner les villages
Plelvar,
Nebregovo, Lenichta,
etc,, où ils o p é r è r e n t
de nouvelles arrestations parmi les notables.
Krouchevo.
Taky-Liapo avait pu se faire
délivrer un permis de port d'armes, son mé –
tier d'éleveur de moulons l'exposant aux
attaques des brigands. Ce fait ne plut pas au
commissaire de police de
Krouchevo,
A l i
Effendi, qui le me n a ç a de mort s'il profitait
de son permis. Ta ky n'ayant pas obéi,
le
commissaiee de police envoya un gendarme
et quelques hommes à l u i pour le tuer.
Ta ky s'est défendu courageusement, mit en
fuite les assassins, et la m ê m e nuit quitta le
pays.
A l i Effendi décida de se venger sur sa
famille. Il fit une perquisition dans sa ma i –
son, où i l trouva 7 cartouches. 11 a r r ê t a alors
la femme de Taky-Liapo et son b e a u - p è r e ,
le s e p t u a g é n a i r e Naky-Zablé, qu'il envoya en
prison, à Monastir.
Ohkrida.
Deux soldats natifs de
Slrouga,
ayant r e n c o n t r é au ma r c h é le c h r é t i e n P a r é
Fileff, se mirent aie maltraiter, le bâ t o n n è r e n t
et l'un d'eux mit le canon de son fusil dans
la bouche du chrétien pour le tuer, quand le
commissaire de police, qu i assistait en spec–
tateur, intervint. Les soldats allèrent alors
dans la boulangerie de Vassil Puscovo, qui
avait refusé un jour de leur faire crédit, et
se mirent à le battre j u s q u ' à ce qu'il p û t
s'échapper. Les soldats p a s s è r e n t alors par
la foule turque qui assistait à la bastonnade,
et dans laquelle se trouvaient plusieurs
agents de police que le spectacle amusait
beaucoup, et, en chantant et en tirant des
coups de fusil, r e n t r è r e n t à la caserne.
Le villageois de
Velgochli,
Chengheloff,
fut tué p r è s de Okhrida, dans l'endroit
Sou-
chitza,
lorsqu'il conduisait un char de bois
pour, la ville. L ' u n des assassins est le beau-
frère du fameux brigand Mefaïl-Agha. Il fut
emp r i s o n n é pour deux jours, ainsi que son
camarade, après l'aveu qu'ils firent de leur
assassinat.
Dans les villages
Ozdoleni, Ilirto, Pris-
voeni, Godivié,
des brigands c h a r g é s de la
poursuite des révolutionnaires, enlevèrent
tous les bestiaux des chrétiens. A
Ozdoleni,
trois villageois ayant voulu s'opposer à l'en–
lèvement de leurs bestiaux, furent tués, de
même que deux autres dans le village Uino.
J'ignore combien de brigands furent tués.
Les autres villageois qui poursuivent les bri–
gands sont emp r i s o n n é s à Okhrida et ac–
cusés de révolte contre l'Etat du Sultan et
ses fonctionnaires.
Andrinople.
Une nouvelle d é p o r t a t i o n
en Asie-Mineure. Le vieux professeur D . Byt-
ehvaroff, qui est resté quatre ans dans les
prisons sans que son procès soit même ins–
truit, fut expédié le 8 j u i n , avec trois autres
chrétiens, pour les forteresses de l ' A s i e -M i –
neure. Il augmentera ainsi le nombre des
chrétiens qui peuplent les prisons asiatiques
pour des crimes politiques, nombre qui
dépasse quatre cents pour le vilayet d'Andri-
nople seulement.
Moustapha - Pacha.
Les plus grands
tyrans, c'est encore les soldats. Il y a trois
jours, deux soldats poursuivaient les femmes
c h r é t i e n n e s dans les rues, leurs épées à la
main.
Dans le village
Bylgarsca Levca,
les sol–
dats avaient pris l'habitude d'enlever chaque
nuit quelques moutons et de les vendre aux
'
turcs. Les plaintes que les villageois avaient
p o r t é e s devant le commandant de Mous-
tapha-Pacha étant restées sans aucun résul–
tat, les villageois se c a c h è r e n t la nuit du
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j u i n p r è s d'un troupeau de moutons et
attendirent la visite des voleurs. Ceux-ci ne
t a r d è r e n t pas à p a r a î t r e , mais lorsqu'ils
eurent séparé une vingtaine de moutons, les
villageois sortirent, lièrent deux soldats et
les conduisirent, avec les moulons volés,
devant leur commandant. Ils ne furent pas
punis, parce que le commandant leur donna
raison. S i le gouvernement ne les paie pas,
il faut que les c h r é t i e n s les nourrissent,
avait-il dit.
Oustovo.
Maria Mouncovca, âgée de
quarante-cinq ans, fut violée par quatre s o l –
dats quand elle faisait le voyage de
Tchoc-
manovo
à
Raïcovo.
Les soldats, quoique
connus, ne sont pas poursuivis. L a malheu–
reuse femme est sur le point de mourir des
brutalités qu'elle eut à subir.
Trois soldats a t t a q u è r e n t la jeune femme
Detchevitza, du village
Dolno-Raïcovo,
et
essayèrent de la violer lorsqu'elle allait à la
source
Tchelmitensca
poui puiser de l'eau.
Grâce aux gens qui accoururent à son secours
elle put garder l'honneur sauf.
Une autre femme fut violée entre
Ous-
lovo
et
Raïcovo,
é g a l eme n t par les soldats.
La jeune fille de Kamichovitza, âgée de
seize ans, fut violée par les soldats, dans le
village même
d'Oustovo,
en plein jour.
Des troupes turques sont m a s s é e s cepen–
dant à la f r o n t i è r e bulgare et i l se produit
à tout moment des incidents c omme celui
du 13 j u i n . A celte date, les postes-fron–
tières bulgares avertirent t é l é g r a p h i q u e -
ment que des troupes turques s'étaient
i n s t a l l é e s en territoire bulgare et avaient
fait é v a c u e r les postes o c c u p é s par les sol–
dats de l a p r i n c i p a u t é t r è s i n f é r i e u r s en
nombre.
O n envoya a u s s i t ô t par le train d'Orient
deux compagnies de renfort et une troi–
s i ème compagnie alla occuper le défilé de
D e ï r m e n d é r é . Le s troupes turques « i r r ô -
g u l i è r e s » se sont alors r e t i r é e s .
Fonds A.R.A.M