fut bientôt remplacé pa r H a l i l Rifaat.
Ma i s les fusiliers a l bana i s , mécontents
de ce c ho i x , demandèrent i n s t ammen t
au Su l t an de rappeler aux affaires
Saïd qu i était resté popu l a i r e dans le
parti v i eux - t ur c . A b d - u l - H a m i d s'y
refusa et en présence du danger d'une
rébellion, à force de prières et de m e –
naces, c onva i nqu i t Saïd à se sacrifier
au salut de l a dynastie. L e l e nd ema i n
c e l u i - c i se réfugiait à l'ambassade
d ' Ang l e t e r r e , sous prétexte que sa v i e
était en danger ; i l n'en sortit qu ' au
bras de M . de Nélidoff. Cette escapade
r u i n a sa popularité. L e but était at–
teint, grâce à cette comédie qu i avait
été comb inée entre u n maître exigeant
et u n mi n i s t r e servile.
Depu i s , Saïd était considéré c omme
étant en disgrâce et v i va i t dans une
retraite absolue en son conak de N i -
c h am- Ta c h . A b d u l - H a m i d le manda i t
de temps en temps au palais p ou r le
consulter, dans les circonstances diffi–
ciles.
T e l est, en quelques mots, l ' h omme
q u i revient au j o u r d ' hu i au p ouv o i r .
G E O R G E S D O R Y S .
C O R R E S P O N D A N C E
d'un vicaire du Patriarcat pendant
les années 1899, 1900 et 1901
S U P P L É M E N T S E T I N D I C A T I O N S
I M P O R T A N T S
i° Les faits qui déchirent le cœur et très
navrants précédemment mentionnés, qu i
ne forment qu'un aperçu sommaire de la
situation misérable des Arméniens de R .
notre paroisse, sont extraits des lettres et
des rapports envoyés de « l'Aratchnor-
taran » au Patriarcat. I l nous faudrait des
années pour communiquer tout en dé–
tails.
•2
°
Nous n'avons rien écrit au sujet des
assassinats, des conversations par force,
des pillages, commis pendant le massacre
de
i8g5
et pendant les trois années sui–
vantes, de
1895
à
1898,
car d'abord cela
appartient à l'histoire, et ensuite dans ces
années néfastes, la surveillance du gou–
vernement, les soupçons, les arrestations
étaient si fréquentes et sévères qu'aucun
Arménien n'osait prendre l a plume à
la main et noircir un bout de papier et le
garder.
3
° Les Arméniens de R., depuis l'évé–
nement de
1895,
ont abandonné leurs
vignes, vastes et très fertiles, car ils ne
peuvent pas aller librement dans les
vignes et jouir de leurs produits. Les mu–
sulmans du lieu les ont confisquées et
coupent les vignes d'année en année,
et changeant les vignes en champs, ils les
ensemencent.
4
° Pa r suite des attaques des tribus
kurdes, notre diocèse est dans une grande
crise ; tous ceux, pourtant, qui viennent
à R. de toutes les provinces arméniennes
nous appellent bienheureux, disant que
ce diocèse comparé à d'autres endroits
est dans une situation calme et tran–
quille ?
5
° Faire des injures contre notre foi,
notre religion, notrecroix, notre vartabed,
notre honneur, nos parents, assaillir de
nuit les maisons arméniennes, les piller,
nous battre et maltraiter publiquement,
lancer des pierres contre les portes de
notre église et de notre école, ce sont des
faits habituels, et qui ne produisent sur
nous que l'impression d'une plaisanterie
à peine ; tant nous sommes habitués à
l'asservissement et nous avons perdu
notre amour-propre.
6
°
Aujourd'hui,
7
j u i n , nous avons reçu
les nouvelles suivantes, navrantes et au–
thentiques :
Une caravane de muletiers musulmans
de R., composée de soixante-dix à quatre-
vingts mulets et de cinquante à soixante
personnes part de L . le
I
e r
j u i n , pour R . ;
dans le nombre se trouvaient dix à
douze personnes
arméniennes,
qui
avaient travaillé pendant une dizaine
d'années au dehors. L a caravane, après
un voyage d'une journée et demie,
arrive près d'un village, où, soudain,
cinq à six Kurdes malfaiteurs armés
s'en vont devant l a caravane et disent
avec des menaces au chef de la caravane :
«
Indiquez-nous les Arméniens; nous ne
voulons rien faire à nos coreligionnaires
musulmans. Sur cette déclaration, les
pauvres Arméniens perdent courage et
se séparent. Les malfaiteurs frappent
d'abord impitoyablement les têtes et les os
des pauvres Arméniens avec les poignées
des fusils, puis ils commencent à piller et
leur enlèvent quinze cents medjidiés de
monnaie et d'autres biens valant six
cents medjidiés. Les pauvres Arméniens,
nus, affamés, blessés, ne pouvant con–
tinuer leur chemin, restent près des cam–
pagnes kurdes, désespérés et stupéfaits ;
Dieu sait ce qu'ils sont devenus main–
tenant.
On sait que après le triste événement
de
1895,
en
1896,
le gouvernement turc,
pour jeter de la poudre d'or aux yeux de
l'Europe et de notre malheureuse nation,
a commencé à inscrire des agents de po–
lice parmi les chrétiens. Ici aussi, par d i –
verses menaces et oppressions, on a fait
inscrire quarante-huit personnes, fan–
tassins et cavaliers. Aujourd'hui vingt-
trois personnes seulement sont en fonction,
car le gouvernement rusé et malveillant,
pour ennuyer et faire démissionner les
agents de police chrétiens, a commencé
à les soumettre à des
occupations
dures et à des privations ; en un mot
i l les a employés comme des esclaves;
ils seraient heureux s'ils avaient touché
au moins un cinquième de leurs appoin–
tements ; les pauvres agents ne peuvent
résister à la faim, aux injustices commises
envers eux et envers les campagnes ar–
méniennes, ont commencé à donner leur
démission, cédant la place à des agents
turcs injustes, qui aujourd'hui forment la
classe la plus aisée de notre ville ; ils ne
se soucient jamais de leurs appointements,
et qu'importe, en effet, puisque les cam–
pagnes arméniennes sont là. L'agent turc
qui s'en va dans une campagne armé–
nienne pour la perception, tout en per–
cevant cent piastres pour le compte du
gouvernement, n'oublie pas d'extorquer
deux cents piastres du pauvre paysan
pour grossir sa bourse. S i jamais les
tribus Kurdes sont complètement anéan–
ties, les agents turcs suffisent pour
piller, ruiner et rendre désertes les cam–
pagnes arméniennes.
8
°
Le gouvernement n'a aucune auto–
rité, aucune influence sur les Turcs. Tous
les mois des luttes sanglantes ont lieu en
plein marché, sous les yeux du gouver–
nement ; les blessures et la mort sont fré–
quentes à cette occasion. Les Turcs circu–
lent ordinairement armés, dans les mar–
chés.
10/23
j u i n 1901.
Depuis deux semaines, le bruit court
i c i que les révoltés attaquent continuelle–
ment les quartiers de Moush. On dit que
jusqu'ici sept à huit personnes sont tuées
du côté des Turcs et deux personnes du
côté des révoltés. Turcs et Arméniens se
regardent avec méfiance et soupçon ; on
craint un massacre général. L a terreur et
l'épouvante régnent dans les routes qui
conduisent de Bitlis à Moush. Le va l i se
trouve en ce moment à Moush, qui est
allé pour s'occuper de l a construction de
deux casernes à Dalour, et ce sont ces
constructions qui ont été cause pour exci–
ter l a haine et la vengeance.
Hi e r soir,
9
j u i n , à une distance
d'une demi heure de notre ville, vers le
Nord-Ouest, un Turc a reçu une balle de
fusil. Aussitôt les barbares de notre ville
attribuent le crime à un agent de police
arménien, qu i heureusement ne se trouve
pas à R., mais i l est depuis deux mois
dans les campagnes, à deux heures de R.,
pour l a perception. L a foule, excitée, fit
des menaces et grinça des dents contre le
Fonds A.R.A.M