P R E M I È R E A N N É E .
—
N °
i5.
Le numé r o : France,
40
cent. — Etranger :
50
cent.
25
JUIN 1901
Pro Armeni a
R é d a c t e u r en chef:
P i e r r e
Q U I L L A R D
A4r9SSBT
tout ce nui concerne la airection
à
M.
Pierre Quillard
ÎO, rue Notlet, P a r i s
ABONNEMENTS :
France
8 »
Étranger
10 »
paraissant le 10 et le 25 de chaque mois
COMITÉ D E RÉDACT I ON :
G. Clemenceau, Anatole France, Jean Jaurès
^•oc^^^.^^^^^^
Francis de Pressensé, E. de Roberty
S e c r é t a i r e de r é d a c t i o n :
J e a n
L O N G U E T
Vendredi
la i l n. â midi, 17, rue Cujas
OOOOCOOOOOOOOOOOGO
ADMINISTRATION :
Société nouvelle de Librairie
et d'Édition
(
Librairie G. BELLAIS)
17,
rue Cujas, P A R I S
TÉLÉPHONE : 801-04
Pro Armenia
est en vente chez les libraires et dans les principaux kiosques de Paris.
SOMMAIRE:
L a Quinzaine
Pierre Quillard.
Lettre de
L . de Contenson.
Le Sultan c o n d a m n é par le
j u r y s u é d o i s
R.
Lettres des frontières turco-
persanes, de Mo u c h , de
Cilicie, de Ma r a c h , de Zeï-
toun, de D i v r i g h et de
B a y a z i d
Nouvelles d'Orient : E n
Ma c é d o i n e . —D a n s l'Yé–
men. — A l a f r o n t i è r e
serbe. — Un e expulsion.
—
L a g r è v e de l'ambas–
sade ottomane à Paris.—
Co n d amn a t i o n et ma n –
dats d'arrêt. — L a recon–
naissance
d'Abd-ul-Ha–
mid
P. Q.
Documents :
L ' A r m é n i e
a v a n t l e s m a s s a c r e s
(
suite)
E . - J . Dillon.
LA QUINZAINE
On tue toujours en Armén i e : sur
le massacre de Pertakles détails man–
quent encore et nous ne les conna î –
trons pas avant quelques semaines ou
quelques mois; mais les gouverne–
ments européens peuvent s'en informer
aisément par l'intermédiaire de leurs
consuls pour peu qu'ils aient quelque
curiosité.
A défaut de renseignements sur la
récente tuerie, nous donnons plus loin
des lettres douloureusement instructi–
ves sur l'état du pays, pire de jour en
jour. Sur les frontières turco-persanes
des personnages cependant bien con–
nus et qu'il aurait fallu mettre hors
d'élat de nuire continuent la besogne
d'extermination à peine interrompue.
Emi n Pacha, des Haïderanlis, figure
en bonne place dans le rapport collec–
tif des ambassades : l u i , son père Has–
san Agha et son cousin Nadir Agha y
sont signalés comme des égorgeurs de
premier ordre. A lui seul i l a dévasté
une vingtaine de vi l lages
et plus
de
quinze cents mai sons .
Il en est
de même de Zafar bey, petit pâtre
kurde devenu un puissant seigneur et
qui terrorise toute une région après avoir
ruiné de fond en comble
trente-six
vi l lages ,
au temps glorieux de 1895-
96.
Ce sont des malfaiteurs notoires
et qui seraient illustres si leur maître
Abd-ul-Hamid n'accaparait l'attention
du monde par l'extraordinaire multi–
plicité de ses assassinats.
Les subalternes et leur chef demeu–
rent impunis. Aussi ne faut i l pas s'é–
tonner si dans cerlains villages, Bé-
kintepar exemple,
trois fami l les
sur
cent cinquante
subsistent à grand
peine dans l'attente épouvantée d'une
mort atroce toujours imminente et si
ailleurs sur
cent
paysans,
trente
se
sont enfuis et
v i ng t
autres seuls vali–
des doivent acquitter le poids éno rme
des impôts passés et futurs pour tous,
absents, vieillards, femmes, enfants,
malades.
Puis c'est l'éviction sauvage par la
Banque ottomane qui met au service
de la Bête Rouge les procédés régu–
liers de la finance européenne et récu–
père ses créances en saisissant la terre
et chassant le possesseur.
Que si on laisse son champ au ma l –
heureux, le fisc saura prendre les
bêtes de labeur et par un vol supplé–
mentaire les vendre au tiers ou au
quart de leur valeur. La mé t hode était
employée dès 1895, avant les massa–
cres, dans la plaine de Mouch ; elle
est décrite fort exactement dans une
dépêche du vice consul Hampson :
Les hommes sont battus, emprisonnés,
barbouillés d'excréments; les femmes et
jeunes filles insultées et déshonorées, ar–
rachées nues de leur lit pendant la nuit;
les enfants ne sont pas épargnés et ces
outrages sont proprement les amusements
des zaptiés, pour pousser à l a vente de ce
qui reste de menus biens dans le village au
quart de leur valeur : les vaches de trente
à quarante piastres (six à huit francs), les
moutons de d i x à quinze piastres (deux à
trois francs); des bouchers de Mouch de
connivence avec le collecteur d'impôts l'ac–
compagnent dans ses tournées. E t ap r è s
chaque nouvel acte de cruauté, les zaptiés
disent ironiquement aux victimes : « Ma i n –
tenant allez vous plaindre aux consuls
é t r a ng e r s ! »
(
Livre Bleu,
Turkey, n°
2,
an–
nexe au n°
25.)
Se plaindre aux consuls étrangers?
Mais les ambassadeurs n'ont même pas
été capables depuis six ans d'obtenir
du Sultan les indemnités dues à leurs
nationaux victimes des massacres.
Pour ne parler que des Fr ança i s , à la
fin de janvier 1897, M . Pau l Cambon
adressait à Tewfik pacha une liste de
réclamations concernant quatorze per–
sonnes et représentant une somme de
594,085
fr. 60 et une note qui établis–
sait sans discussion possible le bon
droit des réclamants et la responsabi–
lité criminelle du gouvernement turc :
Chacune de ces réclamations a fait
l'objet d'une enquête du Consulat de
Fonds A.R.A.M