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sait dans quelles conditions elles inter
vinrent alors.
Le 24 octobre 1895, les Zeïtouniotes,
poussés à bout par la tyrannie hami –
dienne, sachant d'ailleurs que le mas–
sacre de leur race était résolu, p r é –
vinrent les égorgeurs du sultan et,
conduits par des jeunes gens venus
d'Europe, levèrent le drapeau rouge
dans la vallée de Karanlikdéré. Le
30
octobre, ilsobligeaientla garnison à
capituler, et dès lors traitaient leurs
prisonniers comme des amis.
Je leur ai r é pondu que nous les consi–
dé r i on s comme nos hôtes et qu'ils pou–
vaient être sûrs de leur vie et de l'honneur
de leurs femmes. Nous les avons placés
dans les maisons a rmén i enne s , et nous
avons rigoureusement ordonné aux com–
battants de ne pas toucher aux ornements
et aux bijoux dont les femmes turques
étaient c h a r g é e s ; les Armé n i e n n e s leur
firent, d'ailleurs, un accueil amical ; elles
leur d i s t r i buè r en t des fruits, des confi–
tures, et leur d o n n è r e n t à boire.
Ce fut une j ou r né e de gloire et d'allé–
gresse pour le peuple de Zeïtoun.
Zeïtoun,
par Aghassi.
Le gouvernement turc feignit d'abord
de traiter la révolte des Zeïtouniotes
comme peu importante. Le 16 no–
vembre, le général de division d'Alep
déclarait au consul anglais qu'en dix
jours tout serait rentré dans l'ordre. E n
réalité, une véritable a rmée se mettait
en campagne, 50,000 hommes, dont
20,000
réguliers et 30,000 bachi-bou-
zouks, sous les ordres de Mustafa
Remsi Pacha, d'après l'évaluation du
lieutenant-colonel de Vialar, qui en–
quêta dans le pays sur le meurtre du
Pè r e Salvator. D'après lui également,
le nombre des Zeïtouniotes combat–
tants était.de 1,500 environ; le nombre
total des réfugiés s'élevait à 15,000 en–
viron.
L e siège de Zeïtoun commença le
14
décemb r e ; le 3janvier, Remsi Pacha
était destitué et remplacé par Edhem
Pacha, le futur vainqueur de la cam–
pagne thessalienne. A cette date, mal–
gré les horreurs de la faim et du froid,
les assiégés tenaient tête avec un pro–
digieux courage. Le 6, un armistice
fut conclu et la médiation des consuls
européens acceptée. Enfin, le 30 j an–
vier fut signée une convention, dont
les principales clauses étaient :
1
° Désa rmemen t des Zeïtouniotes et
des musulmans voisins, les armes de
guerre seules étant comprises et non
les fusils de chasse, pistolets et po i –
gnards.
2
° Amnistie générale des Zeïtou–
niotes et réfugiés. Les quatre Bavous,
chefs du mouvement, quitteront le
pays.
3
° Exemption de l'arriéré d ' impô t s ;
dégrèvement de l'impôt foncier, délai
de paiement.
L a note suivante était annexée à
l'acte de reddition :
E n ce qui concerne les garanties qu'Ed-
hem pacha offre aux réfugiés, les consuls
devront dresser avec les commissaires
ottomans un acte spécial dans la forme
qui leur pa r a î t r a offrir le plus de sécurité.
Ils en surveilleront eux-mêmes l'exécu–
tion.
Au cours de l'insurrection, les Turcs
avaient perdu 20,000 hommes; les
Zeïtouniotes 125 combattants et des
milliers de victimes mortes de froid et
de faim. Une poignée d'hommes avait
résisté à tout un corps d ' a rmée , et i l
est impossible de prévoir ce qui serait
advenu, s'ils avaient été acculés aux
supr êmes résolutions. M . de la Bou l i -
nière, chargé d'affaires de France à
Constantinople, appréciait ainsi les
événements :
C'est la seconde fois depuis les troubles
que, les Puissances ont rendu au Sultan le
grand service de le tirer d'une situation
difficile et inquiétante ; d'abord à Cons–
tantinople, lors de l'évacuation des églises
par les réfugiés a rmén i en s et cette fois-ci
à Zeïtoun.
Dans le premier cas, Ab-ul-Hamid n'a
pas cru devoir refuser le concours des
ambassadeurs et dans le second i l a été
trop heureux de l'intervention des Puis–
sances.
(
Livre Jaune,
1897.
Affaires armé–
niennes (supplément) n° n 5 . )
Depuis ce moment, les Zeïtouniotes,
malgré des vexations et des provoca–
tions sans nombre, ont scrupuleuse–
ment respecté les engagements pris; ils
ont suivi à la lettre le conseil donné à
leurs chefs par Edhem Pacha : « J'es–
père que vous saurez être sages comme
vous avez su être braves ».
Mais voici que leurs notables sont
jetés dans les prisons turques, leurs
femmes molestées et violées, leurs
compatriotes assassinés sur les routes;
voici que de partout s'élèvent dere–
chef les rumeurs de massacres et que
de menaçantes constructions militaires
s'élèvent autour de leur invincible
cité.
Ils ont mon t r é dans le passé que leur
vie coûte cher à qui veut la prendre.
Que la Bête réfléchisse à deux fois;
elle pourrait se repentir s'ils étaient
obligés de hisser à nouveau le drapeau
rouge, dans leurs âpres montagnes,
parmi les vignes, les oliviers et lestéré-
binthes.
PIERRE
QU I L LARD .
L'AFFAIRE DES POSTES
Ainsi que nous le prévoyions, l'af–
faire des Postes n'est pas entièrement
terminée, comme les ambassadeurs et
ministères avaient affecté de le croire.
Par une nouvelle note, le gouverne–
ment turc déclare tenir l'arrangement
pour provisoire et ne pas accepter qu'il
soit considéré comme une renoncia–
tion à ses droits régaliens. Les ambas–
sades de France, d'Angleterre et
d'Autriche ont refusé de prendre con–
naissance de la note et s'en tiennent à
la rédaction du 20 mai, à laquelle i l
ne doit rien être ajouté.
Cependant les conflits partiels con–
tinuent. A Alexandrette, les employés
des postes ottomanes s'opposent à
rembarquement des valises françaises
et autrichiennes à bord d'un bateau du
L l o y d : une lutte s'engage entre eux et
l'équipage qui a le dessus. Les ambas–
sades ont protesté et réclament le châ –
timent des coupables.
A Salonique, notre Consul fait savoir
que les correspondances privées con–
fiées aux fonctionnaires de Hami d
effendi sont décachetées sans vergogne
et demande qu'un courrier spécial soit
envoyé par la poste française.
Les Italiens, d'autre part, semblent
vouloir renoncer aux « pernicieuses
traditions » de longanimité. A Pre-
Fonds A.R.A.M