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celle des Arméniens, fut de tourner leurs regards vers la France,
d'où ils attendaient le salut dans le présent et une protection
efficace pour l'avenir.
Un vieillard libanais, frappé dès le premier jour par le fer des
Druses, appela son fils, le célèbre patriote Joseph Karam, et lui
dit, se sentant mourir : «Youssef, j'exige de toi un serment ! Quand
les chrétiens de France viendront au secours de leurs frères du
Liban, tu courras au cimetière. Là, tu t'agenouilleras sur ma
tombe, et tout bas, tu me murmureras à l'oreille la bonne nouvelle,
pour que moi aussi, sous la terre, je tressaille de la joie du pays ! »
Les cent mille Arméniens tombés en haine du nom chrétien ont eu
au cœur, eux aussi, un dernier et fortifiant espoir : les chrétiens
de France viendront au secours de leurs frères d'Arménie !
Ils attendent toujours, là-bas, aux sources de l'Euphrate, dans
cet immense cimetière qui s'étend du Taurus aux plateaux de
l'Ararat, que leurs veuves et leurs orphelins viennent enfin leur
apprendre la bonne nouvelle qui fera tressaillir, dans leurs tombes
encore fraîches, tout un peuple de martyrs : les
Francis
a r r i –
vent !
Mais viendront-ils ?
Les « chrétiens de France » iront-ils au secours des cinq cent
mille Arméniens qui sont actuellement sans pain, sans abri, sans
vêtements et qui sont en péril imminent ou d'apostasier ou de mou–
r i r de faim ?
Puisque la France gouvernementale semble vouloir oublier sa
mission séculaire et s'obstine à ne point agir, i l appartient à la
France chrétienne de ne pas laisser périmer ses droits en Orient,
et de maintenir
quand même
sur les chrétiens du Levant, le pro–
tectorat qu'elle a toujours exercé et que lui reconnaissent, d'ail–
leurs, les conventions internationales.
Si donc, par suite du malheur des temps, ce n'est plus comme
jadis parles armes, ce sera par la charité, parles aumônes, par les
offrandes, que tous les Français, unis dans un seul et généreux
élan, voudront aller aujourd'hui au secours de leurs frères mal–
heureux !
«
C'est bien le moins, m'écrivait tout récemment un vénérable
Fonds A.R.A.M