Lettre de Bitlis, 9 octobre 1894.
Vous nous avez questionnés au sujet des soldats qui sont à
Mousch et qui propagent le choléra. La prudence exige d'être
bref et de choisir une voie indirecte. Notre magnat principal
ressemble à un nouveau Néron. L'année dernière, de grands
événements ont eu lieu dans les montagnes au sud de Mousch.
Bien que le nombre des nationalistes qui étaient là fût très petit,
ils ont livré une bataille pour se défendre, et le magnat a reçu de
Gonstantinople une médaille pour avoir supprimé une grande révolte.
Cette année, i l y avait là, dit-on, quelques nationalistes de plus,
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à 15 environ. Le cheik principal fut obligé de prendre l'initia–
tive pour échapper au piège. Les Kurdes firent une attaque et em–
portèrent les bœufs des Arméniens; ceux-ci découvrirent leurs
bœufs, dont on venait d'égorger l'un d'eux, et prièrent les Kurdes de
leur restituer l'autre ; leur refus donne lieu à une bagarre, dans
laquelle deux Kurdes sont tués et trois blessés. Les Kurdes se
hâtent d'emporter leurs morts à Mousch et de les jeter devant les
autorités en répétant que des soldats arméniens ont envahi le pays
pour les tuer et les dévaliser, etc. Ce fait a fourni le prétexte désiré
pour masser des troupes de loin et de près, sans se soucier du
choléra. Erzingan (?), pacha des soldats, s'est hâté de courir sus, le
maréchal arrivant un peu plus tard. On dit que le pacha a pendu à
sa poitrine, après l'avoir lu à ses soldats, un ordre de Constanti-
nople d'exterminer les Arméniens, tout en les suppliant d'y obéir
s'ils aimaient leur r o i et leur gouvernement. Les soldats qui ont
participé à cet horrible carnage racontent çà et là à peu près toutes
ces choses, quelques-uns en déplorant et en affirmant que les K u r –
des avaient fait davantage, et en déclarant qu'ils avaient agi pour
Fonds A.R.A.M