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sommaire, à la presse européenne, les derniers massacres d'Orfa
(
l'antique Edesse), dans le vilayet d'Alep. Le chiffre des victimes
porté à 8.000 paraissait tout d'abord exagéré. Mais hélas ! des détails
ultérieurs, toujours notablement en retard, par suite des précau–
tions prises par les Turcs pour intercepter les communications
ordinaires, sont venus confirmer ces chiffres et les compléter.
Orfa avait déjà été le théâtre d'un premier massacre vers le
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octobre dernier, mais i l n'y avait eu alors que 500 chrétiens de
tués et le nombre des maisons saccagées ne dépassait guère 250. —
Pauvres chrétiens d'Orfa ! ils avaient peut-être cru que c'était la
fin de leurs calamités ou que, du moins, c'était fini. Hélas! ce
n'était qu'un commencement.
Les mahométans de Diarbékir et des environs adressaient d'in–
cessants reproches à ceux d'Orfa, les traitant de lâches et d'indi–
gnes de porter le nom de
musulmans
puisqu'ils s'étaient contentés
de. si peu ! — D'autre part, quelques femmes musulmanes des envi–
rons de Marache étaient venues à Orfa et y avaient débité toute
sorte de mensonges bien propres à exciter le fanatisme de leurs
coreligionnaires; elles avaient dit, entre autres choses, que leurs
maris avaient été massacrés et leurs biens dévalisés par les Zeïtou-
niotes, et elles demandaient à être vengées.
Mais le mobile le plus puissant pour renouveler sur une plus
grande échelle et avec plus de barbarie les atrocités passées, c'était
d'avoir constaté que leurs premiers méfaits n'avaient, entraîné
aucune conséquence fâcheuse pour eux, qu'ils étaient couverts au
contraire par une impunité absolue ; qu'il n'y avait eu ni arresta–
tion, ni enquête, ni jugement; que ceux d'entre eux qui avaient
égorgé le plus de chrétiens avaient été trouvés dignes des plus
grands éloges. — Ajoutez enfin à tout cela l'appât du butin, le che–
min le plus facile et le plus court pour devenir riche et amasser
des trésors en quelques heures : voilà les principales raisons de la
seconde catastrophe d'Orfa.
Les fonctionnaires de la justice (ô ironie!) tiennent conciliabule
avec le
cheikh
des
Mevlevis
et les notables musulmans de la vill
ayant à leur tête un haut dignitaire indigène, un certain Hussein
Pacha, et fixent entre eux le jour ou i l faudra donner l'assaut défi-
Fonds A.R.A.M