LA T U R Q U I E N O U V E L L E E T L ' A N C I E N RÉGIME
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sivement roumaine, des sirènes, saluant de la voix, tandis
que les vaisseaux saluaient de leur pavillon.
Nous n'avancions qu'avec la plus grande peine, tandis que
sur les rives qui semblaient venir à nous, les bras tendus,
tant que la vue pouvait s'étendre et distinguer, la foule, en
délire, répétait ses acclamations, jetait des fleurs et mani–
festait une joie vraiment débordante, inlassable.
Mais comment ai-je pu oser seulement vous donner une
pâle idée de cette inoubliable rentrée à Constantinople
dont les témoins seraient en droit de me reprocher l'insuffi–
sance de ma palette ou de mes pinceaux?
L'opérateur d'une Société de cinématographe français,
qui n'avait pu qu'à grandes difficultés trouver passage sur
un remorqueur (tous les bateaux du port étant loués
depuis trois jours), me manifestait sa surprise en ces
termes : — J'ai vu, disait-il, bien des foules : j'ai vu les
manifestations Boulangistes à Paris ; j'ai vu les réceptions
du Czar et des marins Russes, et Dieu sait si elles étaient
belles ! Je n'avais jamais vu spectacle aussi grandiose....
Et les journaux, se demandant si la foule venue pour
saluer le prince Sabaheddine et les restes de son père, pou–
vait s'évaluer à 300, 400,500.000 hommes, avaient la même
note ; le
Stamboul,
du 5 septembre, parlant de « l'enthou–
siasme général » qui a poussé toute la population de Cons-
«
tantinople vers les quais de Galata » se faisait l'écho
de « cette
incroyable démonstration qu'on n'avait jamais vue,
et,
ajoutait le directeur de ce journal, «
qu'on ne reverra
peut-être jamais ».
I l ne faut pas moins d'une heure entière, employée à des
tentatives toujours vaines, pour que le noble exilé puisse
descendre de la
Principessa Maria,
tant la foule est dense, au
bord du quai. Puis, lorsqu'il est, en quelque sorte, jeté du
bord dans cette masse humaine, immédiatement on l'en-
Fonds A.R.A.M