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LA TURQUIE NOUVELLE E T L'ANCIEN REGIME
dans l'art de la politique, les autres une vivacité, un
besoin d'action qu'il ne convient pas de dédaigner.
l'Intérieur (12 février), le grand-vizir actuel, Hussein H i lmi pacha,
rappelait à son prédécesseur, K i am i l pacha, qu'au dernier Conseil des
ministres, celui-ci avait déclaré à ses collègues du cabinet « qu'il
«
connaissait depuis quinze jours le complot tramé pour l a déposition
«
du sultan » dans les conditions expliquées ci-dessus.
Une chose est acquise : K i am i l pacha, réputé très circonspect et
très patient — i l l ' a montré dans les affaires extérieures — a c ru
devoir, sur-le-champ, de lui-même, remplacer le ministre de l a guerre
et le ministre de l a marine ; vraisemblablement il avait pour cela, de
très graves raisons : l a prudence qu'il avait montrée jusque-là rendrait
inexplicable un acte accompli par pure fantaisie, malgré que, d'ail–
leurs, l a Constitution lui en donnât le droit.
On aurait peine àcroire que ce soit pour favoriser un retour à l'ancien
régime, dont personne ne veut. Accusé contre toute vraisemblance
de « favoriser l a réaction » (c'est l'accusation habituelle contre tous
ceux que le Comité secret suspecte d'indépendance) et sommé de
venir s'expliquer à l'heure dite, devant les députés excités, on alla
jusqu'à lui refuser ce que l'article 38 de l a Constitution lui accor–
dait pourtant, le Ministre ayant « le droit d'ajourner s a réponse
s'il le juge nécessaire ». Enfin, K i am i l pacha, combattu par le Comité,
aux élections, acclamé unanimement par l a Chambre des Députés,
à l a lecture de son programme, n'avait pour lui que 8 voix contre 198,
le 13 février dernier, dans cette même Chambre, et remettait s a
démission au Sultan, « rejetant l a responsabilité de l a situation s ur
ceux qui l'ont créée ».
Une foule de braves gens, mal renseignés (jusque dans l'armée),
s'imaginèrent que le Comité U . P . venait de sauver l a Constitution, de
défendre l a Liberté contre l'Absolutisme, comme si, pour des tenta–
tives de réaction, on eût fait appel au loyal soldat qu'est le général
Nazim pacha, choisi pour ministre de l a Guerre ! Mais on commence à
voir clair et l'on saura bientôt, sans doute, ce qu'il faut penser de ce
soi-disant « coup d'État » rêvé par K i am i l pacha — ou par ses adver–
saires — et de l'opposition du Comité contre l'ex-grand vizir
L a note gaie, maintenant : Munir s'est déclaré fort « réjoui » de la
démission de K i am i l pacha, dans un interview du
Gaulois
(21
février),
à cause des « procédés anticonstitutionnels non déguisés » — c'est
l'ex-ambassadeur qui le dit — de l'ancien grand vizir ! Aussi, l'inter–
viewer, en constatant que Munir, qui a tant peur du retour à « l'Abso–
lutisme » — lui aussi ! — est « éloigné momentanément » des affaires,
s'imagine peut-être que le Comité Union-Progrès v a l'appeler, un de
ces jours, au pouvoir, afin de défendre l a Constitution contre « l'Abso–
lutisme » . . . de l'Union Libérale Ottomane !.
Fonds A.R.A.M