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LA. T U R Q U I E N O U V E L L E E T
h'
ANCIEN
R E G I M E
fait visite
à
un autre souverain, la coutume est de se faire
présenter les membres de la famille ; demandez à voir le
sultan Mourad V ! . . .
x
.
Personne ne voulut entendre les soupirs de cet emmuré
vivant; i l sera mort attristé, sans avoir vu le rayon de
soleil, qui perça les brumes de cet enfer, en juillet 1908.
Et pourtant, par deux fois, des hommes qui ne sont pas
aussi inaccessibles
à
la pitié et aux grands enthousiasmes
que le furent, paraît-il, tant d'hommes d'État, au xix
e
siècle,
essayèrent de délivrer le sultan Mourad
Une première fois, peu après sa détention, sa résidence
fut prise d'assaut par des soldats, sous la conduite du
moadjir Ali Suavi. I l n'y eut que des victimes de plus....
Une seconde fois, lors de la guerre de Crète, j'eus l'espoir
que le projet réussirait. C'était hardi ; ce n'était pas impos–
sible. Tout était prêt ; Mourad
V
semblait disposé person–
nellement
à
suivre ses libérateurs.
L'obstacle vint d'où l'on ne devait pas l'attendre, de la
tendresse inquiète, effarée, d'une personne de sa famille, se
demandant si cette tentative n'était pas un piège. Le coup
de main réussi, le sultan Mourad, amené sur un navire
battant pavillon français, aurait montré
à
l'Europe, trop
peu curieuse (?), ce qu'il fallait penser de sa prétendue
démence et s'il avait été loyal de déclarer sa maladie
momentanée tout
à
fait « incurable », s'il avait été juste
de le déposséder du trône, s'il n'était pas toujours le vrai
Kalife, le sultan légitime. Et l'empire ottoman eût joui, dix
ans plus tôt, de la liberté : bien des crimes et des désastres
eussent été évités.
I l serait aussi prématuré de raconter toutes les tentatives
infructueuses qui ont été faites, surtout depuis 10 ans — je
1
Mourad V, vrai khalife, sultan légitime.... Lettre à S. M. VEmpereur
d'Allemagne
[
par Joseph Denais], Paris, 1898, broch. in-8°.
Fonds A.R.A.M