LA. T U R Q U I E N O U V E L L E E T L ' A N C I E N R É G I M E
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mérites (d'autant plus grands que de ^nos jours les ten–
tations sont plus nombreuses) de nombreux collaborateurs
de la presse, telle qu'elle doit être comprise par les hommes
de cœur et de conscience, et c'a été pour moi, toujours, une
satisfaction de leur rendre un hommage public. Mais, pour
la même raison d'équité, je ne puis m'empêcher de protester
ici contre cette conception inadmissible, bien qu'elle soit,
hélas ! trop commune à notre époque, qu'un journal puisse
être, comme une usine, une simple exploitation de la pensée
ou de la politique, une véritable machine à rendement et
à profits matériels ; qu'après la quatrième page, les trois
autres, ou les neuf autres, du Premier Paris au Bulletin de
Bourse, en passant par les Faits divers, les interviews, les
échos, la critique, etc., peuvent se vendre ou s'affermer,
pour des'annonces ou pour des réclames, plus ou moins dissi–
mulées, pour les pilules à la mode ou — comme ici —
pour l'oppression d'un peuple et l'étoufîement de ses plaintes
et de ses vœux.
Et qu'on ne me taxe pas d'exagération ou d'inexactitude,
puisque (vous l'avez tous pu lire — la plupart des journaux
l'ayant reproduit) le nouveau gouvernement de la Porte a
fait annoncer que,
désormais,
les journaux ne recevraient
plus de subventions : i l ne faut pas être fort perspicace,
même à défaut d'autre documentation, pour en conclure
que, jusqu'alors, de nombreux journaux d'Europe n'avaient
pas craint de se faire payer leur mutisme ou leur publicité
x
.
Les libéraux ottomans et leurs amis se sont trop souvent
heurtés à cette barrière d'or et d'argent, pour n'avoir pas
le droit et le devoir de protester contre une telle mécon–
naissance du rôle supérieur de la presse ; et c'est une raison
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Depuis peu — coïncidence fortuite, sans doute, mais curieuse
tout de même — presque à la même heure et dans les termes presque
semblables, de chaleureux plaidoyers ont été publiés, dans divers
journaux, en faveur de personnages fort compromis et qui se disent
fort pauvres, malgré l'apparence.
Fonds A.R.A.M