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L A T U R Q U I E
N O U V E L L E E T L* A N C I E N
R E G I M E
Combien d'Européens n'avaient pas une idée beaucoup
plus précise et beaucoup plus exacte des Turcs que le
gamin de Paris imaginé par Jules Verne !
C'est que, depuis un quart de siècle surtout, les Ottomans,
principalement les Turcs, ont été systématiquement défi–
gurés, caricaturés, calomniés.
On commence, enfin, à revenir de cette erreur, depuis l a
Révolution qu'ils ont faite, l'été dernier (« révolution la plus
étonnante qu i f u t » — pour me servir des termes qu'em–
ployait, ces jours-ci, le premier ministre anglais —) et l ' on
en revient, parce qu'à l a stupéfaction des chancelleries et
des journaux, qu i n'avaient pas su, ou pas vou l u les con–
naître plus tôt *J les Turcs, secouant la tyrannie qui les oppri-
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Me permettra-t-on -de rappeler ce que, trois années avant l a
Révolution, j'eus l'occasion d'écrire dans une revue française :
«
Pour tout témoin sincère, impartial, l a vérité, c'est que l a
Turquie entière, surtout après les tentatives prématurées, malheu–
reuses, de SélimlII et de Mahmoud I I , surtout depuis le règne, trop
court, du bon et aimé sultan Abdul-Medjid, et surtout en ces dernières
années, où l'évolution s'accomplit, malgré l'oppression et l a confisca–
tion, l'exil et l'emprisonnement, malgré tout, l a Turquie entière a soif
de progrès, d'humanité, de sécurité ; c'est qu'elle est avide de voir
instaurer enfin, chez elle, les libertés légitimes véritablement dignes
de l'homme. Vienne un gouvernement nouveau, le gouvernement de
demain ne pourra pas ressembler à l a folle et cruelle autocratie d'au–
jourd'hui. Ce peuple étonnera bien vite le monde, qui ne semble pas
plus soupçonner ce dont il est capable, qu'on n'était disposé, hier
encore, à admettre que le Japon pût jamais prendre à l'Europe, en
vingt-cinq ans, tout ce qu'il a s u lui emprunter. E t , loin d'être jaloux
des Européens, les Turcs, très loyaux, très hospitaliers, désirent vive–
ment entretenir avec les étrangers honnêtes les rapports les plus cor–
diaux.
«
Ce n'est pas un parti seulement qui, en Turquie, réclame des
réformes sérieuses, loyales, c'est la Turquie tout enière, à Theure actuelle^
Rien ne pourra plus arrêter ni retarder cette évolution logique.
«
Ces choses-là doivent être dites, aujourd'hui, à
la veiïk de chan–
gements vraisemblablement très prochains
;
elles doivent être connues
de l'Europe et spécialement de l a France, l a première alliée de l'empire
ottoman, sa grande amie dans les bons et les mauvais j o u r s . . . »
• (
Patria,
15
novembre 1905.)
Fonds A.R.A.M