L E S TURCS ONT PASSÉ L A . . .
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d'enfer. Dans quelques heures de temps i l s'est pro–
pagé tellement qu'on ne voyait plus le ciel par la
fumée épaisse et qu'on ne pouvait plus respirer cet air
empoisonné. Les arméniens effrayés se sauvaient par
les toits pour s'abriter dans des établissements étran–
gers. Deux heures après i l y avait plus de 3.000 ar–
méniens réfugiés aux différents étages de notre
collège. I l nous est impossible de décrire l'état
d'effroi dans lequel on se trouvait, les lamentations,
ce sauve-qui-peut général, l'émotion terrible que
nous y avons soufferte.
On nous avait procuré quelques gardes pour la
protection du collège, cependant ils ne nous inspi–
raient pas confiance et l'on remarquait aussi qu'ils
grognaient, parce qu'ils ne pouvaient pas participer
aux plaisirs du massacre et du pillage.
Un soldat arrivé d'Adana criait à haute voix ce qui
suit, planté devant la demeure du consul des Pays-
Bas :
Ne recevez pas les arméniens dans vos mai–
sons, sinon vous seriez massacrés avec eux.
Plusieurs
des collégiens ont entendu cette phrase, car le con–
sulat se trouve vis-à-vis du collège. Le consul est un
grec, i l a ordonné immédiatement de mettre dehors
les arméniens, en gardant chez lui ses quelques amis
personnels.
Le massacre et le pillage ont duré jusqu'au soir,
quant au feu i l a continué deux jours de suite, en
détruisant tout le quartier arménien (700 maisons).
Vendredi dans la nuit le spectacle était terrifiant, les
flammes pétillaient si fortes et produisaient une telle
vivacité de lumière rouge qu'on pouvait bien déchif–
frer et lire un livre à cette clarté lumineuse.
Samedi matin une procession de 500 éprouvés
Fonds A.R.A.M