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L E S TURCS ONT PASSE L A .
morts encombraient la place où nous nous tenions.
A dix heures du soir quelques notables arméniens
se rendirent sous la protection de quelques notables
turcs chez le gouverneur. Après de longs pourpar–
lers, ils nous revinrent. Les troupes régulières repa–
rurent de tous côtés au son du clairon; mais la
fusillade quoique ralentie continua ainsi que l'incendie
à faire des victimes jusqu'au matin du quatrième
jour.
Le quatrième jour nous étions hors de danger ;
mais les pertes tant humaines que matérielles étaient
cent fois plus considérables que ce que nous pouvions
supposer. I l y avait des mares de sang partout...
Plus de la moitié des maisons arméniennes étaient
brûlées, les magasins des musulmans étaient indem–
nes, grâce à l'écriteau dont je vous ai déjà parlé. Les
sauvages se réjouissaient de leurs faits et gestes
et appelaient cela de la valeur et de la bravoure...
Les cafés entourant le palais du gouverneur sont
pleins de turcs qui prennent du café et fument leur
narguilé se racontant leurs actions barbares, en
ricanant ; tandis que leurs victimes, des veuves, des
orphelins et de tous petits enfants se lamentent et
pleurent dans les églises.
Les écoles nationales sont transformées en hôpi–
taux, nous avons plus de 500 blessés à y soigner, les
médecins et les pharmaciens se prodiguent pour
soigner les malades. Des milliers de cadavres gisent
dans les rues, les victimes arméniennes sont ramas–
sées et jetées pêle-mêle dans des tombereaux à ga–
doues et de là jetées dans le fleuve...
Adana est perdue, Adana est massacrée, Adana est
en cendres, i l n'y a presque plus d'arméniens dans la
Fonds A.R.A.M