P O U R
L ' A R M E N I E
Les survivants de la bande Coucounian furent con–
damnés à des peines variant entre douze et vingt ans
de travaux forcés en Sibérie. Ils firent appel devant le
tribunal de Tiflis : le premier jugement fut confirmé ; et
en dernier ressort, le Sénat de Pétersbourg prononça
la même sentence. Ainsi, après trois ans de prison
préventive, les condamnés, au nombre de vingt-sept,
furent dirigés vers la Sibérie orientale et l'île de
Sakhaline. Quelques-uns d'entre eux sont encore à
Sakhaline ; d'autres sont morts ne pouvant supporter
le régime des bagnes tsariens ; quelques-uns enfin
se sont évadés.
Même pendant les grands massacres, le gouvernement
russe poussa la rigueur envers les Arméniens jusqu'à
interdire toute allusion aux tueries, soit par la parole,
soit par l'écrit. Les perquisitions, les incarcérations,
l'exil furent le lot de quiconque témoignait de la sym–
pathie aux égorgés. Secourir les Arméniens réfugiés
devint un « délit politique ». Quand un peu plus tard
les collectes furent autorisées, les autorités tsariennes
mirent de telles conditions à leur bienveillance que
l'élan charitable de la population en fut singulièrement
ralenti. I l fut décrété que l'argent serait versé entre les
mains du gouverneur général du Caucase et que
celui-ci, par l'intermédiaire de la police, en surveillerait
et assurerait la répartition. Les formalités administra–
tives rendirent les secours presque illusoires ; les
malheureux mouraient avant d'avoir pu toucher un
kopeck des sommes recueillies pour eux; et maintenant
encore le gouverneur général du Caucase conserve dans
ses caisses une somme de cinquante-cinq mille roubles
sous prétexte que les réfugiés n'en ont plus besoin.
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Fonds A.R.A.M