Pierre Quillard
ans ; le village le prend à sa charge. Rassurez-vous ; je
ne suis pas une faible créature ; je sais monter à cheval
et manier le fusil comme un bon soldat. »
Au village de V... deux frères voulaient s'engager
dans le corps révolutionnaire ; mais i l fallait que l'un
d'eux restât à la maison auprès du père. Ils prirent
celui-ci pour arbitre ; le père s'en remit au sort et
quand le cadet eut été désigné ainsi pour partir : « Moi
dit-il, je suis votre père ; je peux partir sans demander
l'avis du sort. » I l prit son fusil et s'en alla.
Mais les révolutionnaires encore peu expérimentés
avaient mal calculé leur expédition ; ils n'avaient pas
pensé que la saison était défavorable ; ils connaissaient
mal la topographie du pays où ils s'engageaient. Cepen–
dant ils parvinrent à passer la frontière ; mais après
quelques petites échauffourées avec les soldats turcs et
les tribus kurdes, ils furent obligés de battre en retraite
et de regagner le territoire russe.
Sur la frontière, ils se heurtèrent à une troupe de
cosaques renforcée de Kurdes. Un cosaque et trois
Arméniens furent tués ; quarante-trois des révolution–
naires furent pris ; les autres s'échappèrent.
Les prisonniers furent conduits,- par étapes, à Kars,
où ils devaient être jugés. Sur leur passage le peuple
les acclamait. Le procès fut retardé jusqu'au mois de
mai
189
a.
Les accusés firent la déclaration suivante :
«
Nous étions allés en Turquie pour venger le sang
de nos pères versé par les Turcs et les Kurdes sangui–
naires, l'honneur de nos sœurs outragées par eux. Nous
sommes étonnés que le gouvernement russe prenne
contre nous des mesures insensées pour nous punir d'un
acte aussi légitime. »
Fonds A.R.A.M