adresse commune, en disant : « Si
TOUS
voulez nous dépayser,
amenez avec vous quelques consuls européens, sous la
garantie desquels nous serons obligés de quitter notre sol ;
si vous voulez, coûte que coûte, construire les casernes, et
nous permettre de demeurer ici, nous ne l'acceptons pas.
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Nous sommes un peuple qui travaillons dans les champs :
nos femmes et nos filles sont toujours dans les campagnes,
nousne pourrons souffrir jamais que notre honneur fami–
lial soit violé par les soldats. Cette entreprise ne serait pas
heureuse pour nous. Quand nos villages seront déserts,
alors vous serez libres de construire ce que vous voudrez. »
Le gouvernement, après quelque temps d'hésitation,
envoya des architectes pour mettre à exécutfon le plan
projeté. Les femmes des Arméniens allèrent disperser les
architectes, brisèrent leurs outils et mirent en déroute et
menacèrent de mort ces constructeurs de bâtiments, qui,
effrayés, retournèrent sur leurs pas à Moush.
(
Lettre de Moush, s3
juillet
1901)
E n attendant, les villages de l a plaine de Moush ont
payé pour ceux de l a montagne. Pendant les mois de
juillet et d'août ils furent mis à feu et à sang. A l a suite
du meurtre de Chérif agha par une jeune fille qu'il
avait voulu violenter, trente Arméniens de Mogounk
furent jetés en prison : sept y moururent en peu de
temps. A l a fin de juillet le village fut attaqué par quatre
chefs kurdes. E n l'absence des hommes valides, ceux-ci
purent incendier, piller et violer à leur a i se . Vo i c i le
récit d'un habitant échappé au massacre :
Mon cher .fils, tu m'écris que mes lettres sont émouvantes
et qu'elles t'attristent trop. Mais, mon bien-aimé, que faire,
avec qui pleurer les souffrances de notre pays? Puis-je
donc me taire et ne point partager mes chagrins avec mon
ûls... Je te raconte tout, jour par jour, pour que mon cœur
se rafraîchisse. I l y a à peine un mois que Moush a nagé
dans le sang...
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Fonds A.R.A.M