Pierre Quillard
prison de Bayazid, où ils sont à la merci de leurs, com–
pagnons de chaîne, la plupart Kurdes.
Nombre de femmes et de filles, des villages ruinés,
«
restèrent à moitié nues comme des oiseaux sans
protection poursuivis par des faucons avides de sang
sur les montagnes et dans les vallées ». Trois cents
d'entre elles vinrent demander secours à l'évêché ; le
prêtre qui les avait appelées au siège épiscopal pour
leur distribuer les secours envoyés du Patriarcat fut
tenu pour rebelle, arrêté, et sévèrement interrogé sur
son xôle révolutionnaire.
Mais surtout i l y a deux points où le gouvernement
turc est décidé à disperser et à détruire les groupes
arméniens capables d'opposer une sérieuse résistance :
à Zeïtoun et au Sassoun, où les montagnards ont
jusqu'ici repoussé, au prix de sacrifices sanglants, les
tentatives d'extermination.
A Zeïtoun, la proximité de la côte rend plus facile une
intervention européenne ; et c'était jusqu'ici une tradi–
tion française de porter secours aux Zeïtouniotes
lorsqu'ils étaient en danger : en
1862,
Napoléon I I I
envoya au sultan Abd-ul-Azis un télégramme énergique
et presque menaçant, qui empêcha leur anéantissement
alors qu'une armée de i5o.ooo hommes se préparait à
venger les précédentes défaites turques. En
1876,
en
1878,
en
1884,
des soulèvements eurent lieu dans ce pays
jamais pacifié. Enfin quand, en
i8g5,
la nouvelle des
grands massacres se répandit dans tout l'Orient, les
Zeïtouniotes prévinrent les égorgeurs du Sultan.
Le
24
octobre
i8g5,
conduits par des jeunes gens
venus d'Europe, ils levèrent le drapeau rouge dans la
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Fonds A.R.A.M