Quillard
maison de Péra, le nommé S... On l'accusait d'être sous les
ordres des « révolutionnaires arrêtés ».
Pendant deux mois, on le tirait chaque nuit de son cachot
pour l u i donner la bastonnade. S... ne pouvait avouer ce
qu'il ignorait.
Le
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novembre, Ghéfik bey le lit jeter dans un trou
sans fenêtre, où i l ne pouvait se bouger, et où pendant
trois jours on le laissa croupir dans ses déjections sans
aucune nourriture.
Après ces trois jours, i l fut conduit devant le ministre de
la police avec une escorte de douze policiers : « Ghiaour,
cria Ghéfik, dis la vérité
l
As-tu donné les pistolets à
M...?» (C'était un Arménien de Sivas, arrêté également
sans motif.) —« Non », répondit S... Là-dessus trois poli–
ciers se ruent sur lui ; l'un tire la moustache droite, l'autre
la moustache gauche ; le troisième empoigne la chevelure
de ce malheureux : « Avoue, chien ! » hurlait Chéfik. S... ne
sachant rien, n'avoua rien.
I l est toujours en prison.
Les Arméniens incarcérés sont à la merci de leurs
compagnons de captivité, Turcs ou Kurdes, à qui on
laisse des armes. ' A la moindre bagarre, ils sont mal–
menés et tués, sans avoir pu se défendre. C'est là,
sans doute, entre mille, une des causes de la mortalité
des Arméniens dans les prisons turques. Deux affaires
déjà anciennes (Cf.
Blue Book,
numéro
6, 1896)
en don–
neront une idée.
Dans l'automne de
1891,
à la suite du meurtre d'un
Turc, soixante Arméniens de Narmian furent arrêtés :
au bout de quinze mois, huit d'entre eux étaient morts.
En
1894,
quinze Arméniens d'Alep et de Kozat furent
arrêtés parce qu'on avait trouvé leurs noms sur une
liste soi-disant suspecte : c'était un relevé de sommes
d'argent envoyées par des gens d'Alep à leurs corres-
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Fonds A.R.A.M