60
POESIE
ARMENIENNE
III
Prières de
repentir
J'ai péché à ta grande bonté, moi, le vil, j'ai péché ; j'ai
péché à toi, source des rayons, moi ténèbres, j'ai péché ; j'ai
péché à ta grâce infinie, en vérité j'ai péché ; j'ai péché à ta
haute charité, ouvertement j'ai péché ; j'ai péché à toi qui
m'as créé du néant, réelement j'ai péché ; j'ai péché à ton sein
de suprême tendresse, immensément j'ai péché ; j'ai péché à ta
douce et intarissable lumière, moi, le perfide, j'ai péché.
Tel un homme violemment bouleversé par une interminable
et torturante agitation dans la mer aux vagues périleuses tour–
mentées par le vent, et qui serait entraîné et roulé en un
torrent sauvage, remuant çà et là les doigts des mains dans le
courant impétueux grossi par les pluies du printemps, emporté
malgré lui en une lamentable dégringolade, avalant l'eau
trouble et étrangleuse, poussé en des douleurs mortelles dans
la vase fétide, moussue et embroussailée, où il se noierait
écrasé sous les flots : Tel moi, misérable, on me parle et je ne
comprends plus ; on me crie, et je n'entends plus ; on m'appelle,
et je ne me réveille plus ; on sonne, et je ne reviens plus à
moi-même ; je- suis blessé, et je ne sens plus.
Je n'ai pas cueilli le fruit prématuré, et je n'ai pu arriver
aux cueilles du renouveau, et voici que je demeure les mains
vides de biens ; je n'ai pas la fleur de pureté ni l'huile de
charité, et les ténèbres de la nuit sont sans aucune lueur ; je
dors du sommeil de la mort, et la frayeur de la trompette du
jugement me persécute ; je me suis encore une fois dépouilé
de la parure nuptiale, et j'ai perdu de nouveau l'onction de
sainteté, et voici que se ferme devant moi la porte de la maison
de l'époux.
Fonds A.R.A.M