GRIGOB
NAREKATSI
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Ma révolte est intérieure et mon tempérament contradictoire ;
Mon logis est d'argile et les pluies violentes ;
Mes besoins innombrables, les malheurs envahissent tout ;
Mon esprit s'intéresse au mal et mes désirs haïssent le bien ;
Ma vie est éphémère et mes loisirs sont rares ;
Mes utopies stupides, mes jeux sont puérils ;
Mes travaux ne sont rien, mes plaisirs ne sont qu'imagination ;
J'ai des greniers remplis de vacuité et des réserves de vent ;
Des fantômes d'ombre et des apparences risibles.
Car dès que nous parvint la Loi,
Selon l'expression de Paul,
Elle me trouva désemparé devant elle :
Les péchés renaissèrent et nièrent la justice.
Quant à moi je suis mort à la vie
Et ne connus de résurrection que pour la perdition.
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Ne fais pas naître, ô Miséricordieux,
Ce jour prématuré où ma mort est inscrite,
Que, tout démuni et les mains vides,
Je ne m'engage sur la route inachevée.
Ne me présente pas la coupe amère à l'heure de la soif !
N'empêche pas non plus, ô Clément !
Mon âme de se réaliser utilement.
Mais fais que la nuit de la mort ne me surprenne pas,
Ainsi qu'une brusque invasion destructrice ;
Que la chaleur de la fièvre soudaine
Ne dessèche à jamais mes racines,
Et que les accidents lunaires ne me soient néfastes en leur
secrète approche ;
Que la glace des péchés ne me soit conservée,
Et que les torrents de cette vie agitée ne débordent sur moi !
Que le repos ne me soit pas trépas,
Que le sommeil ne me mène pas au néant,
Que le dormir ne me soit perte de moi-même,
Fonds A.R.A.M