LES FAITS
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rèrent de nous les hommes et, dans l'espace de 7 à
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jours, ils les tuèrent l'un après l'autre. Aucun individu
mâle au-dessus de 15 ans ne resta vivant. Deux coups
de gourdin suffisaient pour en abattre un. A côté de moi
furent tués deux prêtres, Ter-Wahan, originaire de
Terdjan, et un vieillard plus que nonagénaire, Ter-Mi-
chael. Les bandits se saisirent de toutes les femmes et
jeunes filles do belle apparence, et les emmenèrent sur
leurs chevaux. De très nombreuses femmes et jeunes
filles furent ainsi traînées sur les montagnes, et, entre
autres, ma sœur dont ils jetèrent le petit enfant d'un an.
Un Turc le releva, le prit et l'emporta, je ne sais où.
Ma mère marcha tant qu'elle n'en pouvait plus, Elle
s'affaissa sur le bord du chemin sur une hauteur. Nous
trouvâmes en route beaucoup de ceux qui avaient été em–
menés de Baïbourt dans les convois précédents. Parmi
les tués gisaient quelques femmes, à côté de leurs ma–
ris et de leurs fils. Nous rencontrions aussi des vieil–
lards et des petits enfants qui étaient encore en vie,
mais dans un état pitoyable, A force de pleurer, ils
avaient perdu la voix,
Nous ne pouvions pas dormir les nuits dans les vil–
lages, mais nous devions coucher dehors Sur la terre
nue. J'ai vu des gens manger de l'herbe pour apaiser
leur faim, A la faveur des ténèbres, i l se commit des
crimes indicibles, par les gendarmes, les bandits et les
paysans. Beaucoup de nos compagnons moururent de
faim et d'apoplexie. D'autres restèrent sur le bord du
chemin, trop faibles pour aller plus loin.
Un matin, nous vîmes de 50 à 00 voitures avec
30
femmes turques, veuves dont les maris étaient
morts à la guerre. Elles venaient d'Erzéroum et allaient
à Constantinople. Une de ces femmes fit signe à un
Fonds A.R.A.M