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RAPPORT DU D
R
LEPSIUS
jeunes institutrices, ayant fait leur éducation dans le
collège américain de Kharpout, faisaient partie d'un
convoi de déportés, qui franchissait le défilé de Ké-
magh (Kémagh Boghasi), quand, le 10 juin, elles furent
exposées à un feu croisé. Par devant, c'étaient les
kurdes qui barraient le chemin ; par derrière se trou–
vaient les troupes — milices d'un certain Talaat. —
Dans leur effroi, elles se<jetèrent par terre. Quand les
coups de fusil eurent cessé, elles réussirent, en com–
pagnie du fiancé de l'une d'elles, qui s'était habillé en
femme, à retourner, par des chemins détournés, à Er-
zingian. Un compagnon de classe turc du jeune homme
vint à leur aide. Aux Kurdes qu'ils rencontraient, ils
donnaient de l'argent. Lorsqu'ils eurent atteint la ville
un gendarme voulut emmener avec lui, dans sa maison,
l'une des deux, celle qui était fiancée. Sur les protes–
tations du fiancé, le gendarme le tua. Les deux jeunes
filles furent alors conduites, par l'ami turc du fiancé, dans
des maisons mahométanes distinguées, où on les ac–
cueillit amicalement mais en exigeant aussitôt qu'elles
embrassent l'Islam. Elles supplièrent instamment les
sœurs de charité allemandes, par l'intermédiaire du
docteur Kafaffian, de les emmener avec elles à Khar–
pout. L'une d'elles écrivit que, si elles avaient du poi–
son, elles s'empoisonneraient.
Le jour suivant, le 11 juin, des troupes régulières de
la 8G
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brigade de cavalerie furent envoyées au défilé de
Kémagh, sous la conduite de leurs officiers, pour châ–
tier, disait-on, les Kurdes. Selon les informations re–
cueillies par les sœurs de charité allemandes, de la
bouche* même des soldats turcs qui s'y trouvaient pré–
sents, les troupes turques massacrèrent tout ce qui res–
tait encore en vie des caravanes, presque exclusivement
Fonds A.R.A.M