LES FAITS
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exécutait à contre-cœur les mesures contre les Armé–
niens disait pour se justifier : « Que puis-ge y faire ?
La Sublime Porte l'a ainsi ordonné ! »
Lorsqu'à la fin de mai, Beha-Eddin Chakir, membre
du Comité Union et Progrès, vint à Erzéroum, la per–
sécution contre les Arméniens entra dans une phase
aiguë. Les Tschettehs et les gendarmes assommaient
en plein jour des femmes et des enfants, en vue de pro–
voquer les Arméniens et de trouver le prétexte à un
massacre général. Sur les 300 personnes qui furent es–
cortées de Khinis à Erzéroum, la moitié furent tuées en
route. Les derniers soldats et médecins arméniens
furent rappelés du front ; une partie d'entre eux furent
tués, et le reste déportés. Alors le commandant de l'ar–
mée donna l'ordre de la déportation générale.
Au milieu de juin, commença la déportation de la po–
pulation entière de la ville d'Erzéroum ; elle se poursui–
vit pendant le mois de juillet. Le 31 juillet l'archevêque
arménien d'Erzéroum, Kutchérian, télégraphiait au Pa–
triarcat de Constantinople que lui et tous les Armé–
niens vivant à Erzéroum étaient exilés. Où seraient-
ils conduits ? Ils ne le savaient point. Le frère de l'ar–
chevêque fut, durant lé voyage qu'il entreprit en com–
pagnie d'un Allemand, violemment séparé de celui-ci
par les autorités, et assassiné.
On raconte que Tahsin bey, vali d'Erzéroum, ayant ap–
pris que le premier convoi des Arméniens d'Erzéroum
avait été massacré en route, se serait refusé à envoyer
d'autres convois-d'Erzéroum. I l aurait demandé que les
déportés fussent conduits à leur lieu d'exil avec une es–
corte militaire et sous la surveillance d'officiers supé–
rieurs, afin de leur assurer ainsi au moins la vie sauve.
On ne donna pas suite à ses demandes.
Fonds A.R.A.M