LES FAITS
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de villages, la déportation ne fut notifiée qu'une heure
d'avance. Aucune possibilité de se préparer au voyage.
En certains cas, i l n'y eut même pas le temps de rassem–
bler les membres épars de la famille, de sorte que de
petits enfants furent abandonnés. Dans quelques cas,
les déportés purent prendre avec eux une partie de leur
mobilier de première nécessité, ou des instruments
agricoles, mais le plus souvent ils ne purent rien em–
porter, ni rien vendre, même lorsqu'ils en avaient le
temps.
A Hadjin, des gens riches, qui s'étaient, pour le
voyage, préparé des vivres et des garnitures de l i t ,
durent abandonner le tout sur la route et souffrir plus
tard rudement de la faim.
En beaucoup d'endroits, les hommes — ceux qui
étaient en âge de servir étaient presque tous à l'armée —
furent attachés entre eux avec des cordes et des
chaînes. Des femmes, portant dans les bras leurs petits
bébés, ou au terme de leur grossesse, furent poussées
en avant à coups de fouets comme du bétail, Trois cas
sont parvenus à ma connaissance où des femmes accou–
chèrent sur la route publique, et y moururent de perte
de sang, parce que leur brutal conducteur s'acharnait
contre elles. Je connais aussi un cas où le gendarme,
qui avait la surveillance, se montra humain et accorda
une heure ou deux à la pauvre femme, puis lui procura
une voiture, de sorte qu'elle put continuer son chemin.
Quelques femmes furent si complètement épuisées et
désespérées qu'elles abandonnèrent leurs petits enfants
sur les routes. Beaucoup de femmes et de jeunes filles
Furent violentées.
A un endroit, l'officier de gendar–
merie
a
dit
à ses
hommes, en leur indiquant toute
une multitude de femmes, qu'il leur serait loisible de
Fonds A.R.A.M