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L A SOCIÉTÉ DES NATIONS ET LES PUISSANCES
tiques des Tatares d u Volga, des Ba'chkirs, des Kirghises, du Daghestan,
des Montagnards d u Nord d u Caucase, cette dernière morcelée ensuite.
Cette soviétisation forcée ne laissa aux peuples musulmans qu'une cer–
taine autonomie
régionale
et non pas nationale (1), sur laquelle le g o u –
vernement des Soviets établit u n contrôle de plus en plus étroit ( 2 ) .
Mais les contradictions de la politique orientale bolchéviste éclatèrent
surtout su r les
confins
de l'ancien Empire russe voisinant avec le monde
mu s u lman extérieur, dans le Turkestan, le Khanat de Khiva, la B o u k h a -
rie ainsi que dans le Caucase. Dans le Khanat de Khiva, les Soviets réus–
sirent à installer une République soviétique en attisant les luttes intestines
entre Uzbeks et Turkmènes. L a soviétisation de la Boukhavie et du Turkestan
fut accompagnée de violeuces suivies d'insurrections sanglantes des popu–
lations musulmanes q u i c omp r omi r en t même — pour quelque temps
le prestige des Soviets dans l'Afghanistan. Cependant, dans les pays
musulmans assujettis, les Bolcheviks surent créer des centres puissants
pour leur propagande à l'extérieur. Tachkent, capitale d u Tu r k e s t an ,
secoué par de continuels mouvements insurrectionnels des popu l a t i ons
musu lman e s , devint le siège de l a célèbre Ecole d'agitation pour l ' Or i e n t
et l'asile de l'Association révolutionnaire indienne (3).
(1)
< Le pouvoir des Soviets, dit l'organe des Soviets pour l a propagande dans l'armée,
le
Soldat Rouge
(18
décembre 1921), ne reconnaît point l'autonomie nationale ; par contre,
il favorise entièrement le désir des peuples de posséder une autonomie régionale. Par
autonomie régionale, les Soviets entendent accorder le droit à l'autonomie au monde des
travailleurs d'une région, d'une province, d'un pays, quelle que soit leur nationalité. I l
ne saurait donc être question d'accorder l'autonomie à une nationalité au détriment
d'une antre. Le pouvoir des Soviets ne saurait favoriser un mouvement nationaliste
quelconque dans les formes qui se sont manifestées au Caucase, en Ukraine, dans la
République des Tatares, etc. Ces formes essentiellement bourgeoises n'ont d'autre but
que de réduire à l'esclavage les classes laborieuses indigènes »
{
Le Bolchévisme et
Vlslara,
t . I , p . 14). — Comp. Pilenco,
La Fédération soviétique,
dans l a
Revue
gên. de droit intern. public,^
série, t . V, p. 223.
(2)
Le lien entre les Républiques autonomes et le Pouvoir central est assuré par le
Commissariat des Nationalités Je
la République soviétique de Russie dont ies transfor–
mations successives depuis 1918 à 1922 reflètent fidèlement le retour des Soviets à la cen–
tralisation administrative. Ce Commissariat a depuis 1920 des représentants près les
Comités exécutifs centraux des Régions et Républiques autonomes « dans le but de géné–
raliser l'expérience acquise sur la politique nationale de toutes les Républiques autono–
mes et pour surveiller l'exécution des décrets rendus par le Pouvoir fédéral central de la
République soviétique de Russie » (décret du 16 décembre 1920). Ces représentants d u
Pouvoir central sont devenus, en vertu du décret du 8 juin 1922, en même temps, les
c
Conseillers de la République soviétique de Russie auprès des Républiques sœurs »
{
Le
Bolchévisme et l'Islam,
t . I , p . 15 et 41).
(3)
Dans le Turkestan, dès la Révolution russe de mars 1917, le Soviet des députés
ouvriers et soldats russes entra en conflit avec les éléments musulmans. L'antagonisme
s'accrut avec l'avènement des Bolcheviks au pouvoir, et en 1918, peu après la proclama–
tion de l'autonomie du pays, la ville de Kokand. siège du gouvernement antonome, fut
prise, pillée et incendiée par les troupes soviétistes. Un gouvernement soviétique fut
Fonds A.R.A.M