L A C R È T E E T L E K H A L I F A T
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avec Athènes ; l'annexion, c'est la guerre ouverte.
L'autonomie, d'ailleurs, ne lèse en rien les droits
des Crétois, pas plus de la majorité chrétienne
que de la minorité musulmane. Sur ce peuple de
300000
âmes, les musulmans, dit-on, ne restent que
trente mille; mais ce sont trente mille hommes, eux
aussi. Ces trente mille Croyants, après l'annexion,
auraient la vie impossible en terre chrétienne et
l'Islam ne nous pardonnerait jamais, à nous Jeunes-
Turcs, leur abandon.
»
L'Europe a vu, au Treize Avril 1909, ce que nous
valaient l'indépendance bulgare et l'annexion bos–
niaque. En j u i l l e t 1908, le peuple turc nous avait
accueillis en libérateurs, et l'Islam s'était résigné,
malgré son intime préférence pour le régime absolu.
Mais i l nous attendait aux actes. Quand, en octo–
bre 1908, l'annexion bosniaque et l'indépendance
bulgare sont venues nous frapper par derrière, i l
nous a fait un devoir de lutter jusqu'au bout, de
refuser tout accommodement pécuniaire qui livrât
à l'Infidèle des domaines du Khalifat. Quand, aban–
donnés de Londres, de Paris, de Berlin, de tous ceux
en l'amitié de qui nous espérions, nous avons dû
consentir à nos accords de- mars 1909 avec la Bul–
garie et l'Autriche, l'Islam tout aussitôt s'est vengé :
i l a suffi de quelques
sariklis
(
enturbannés) pour
nous chasser de Constantinople. Grâce à nos parti–
sans de Macédoine, nous avons tout aussitôt recon–
quis la Ville et le pouvoir. Mais si les puissances
occidentales, qui se disent nos amies et dont nous
voulons être les mandataires pour la réforme de
l'empire, si la France et l'Angleterre surtout ont
envie de nous annihiler et avec nous, l'intégrité
LA MORT DE STAMBOUL.
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Fonds A.R.A.M