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L A MOUT DE STAMBOUL
manc, du jour où le Sultan annexa à son domaine
d'Europe et d'Anatolie l'ancien empire levantin des
Arabes et reçut la papauté de l'Islam ' avec le
titre de Khalife, qui veut dire « Successeur du Pro–
phète ».
Sultan-Khalife, l'Homme de Stamboul unissait
désormais en sa personne les deux moitiés d'Allah :
l'Empereur et le Pape des Croyants. I l ne fut
à l'égard de ses chrétiens que le Sultan, l'exploitant
militaire, sans autre frein à ses réquisitions et à ses
ordres que sa propre modération ou ses propres
intérêts. Mais à l'égard des musulmans, le Khalifat
l u i créait des devoirs qui, dans son gouvernement,
devaient primer tout le reste, puisque rien ne sau–
rait être mis avant le service d'Allah et le salut de
ses Fidèles en ce monde et dans l'autre.
Sultanat-Khalifat : les désastres actuels de l'Em–
pire turc n'ont-ils pas eu pour cause profonde
l'alliance de ces deux pouvoirs dans la même main
et la conception gouvernementale qu'elle imposa
aux Turcs du nouveau régime comme de l'ancien?
I l me semble que la conduite des Jeunes-Turcs en
Crète fut déterminée, comme celle des Vieux, par ce
qu'ils pensaient être le devoir du Khalife, tandis que
leur politique macédonienne découla du droit, que
les uns et les autres attribuaient toujours au Sultan,
de disposer de sa conquête, non pour le bonheur, n i
même pour la vie des peuples, mais d'abord pour le
bénélice de la race conquérante et pour le maintien
de la suprématie turque.
1.
J'ai résumé l'histoire du Sultanat et du Khalifat en tête de
mon livre
Le Sultan, l'Islam et les Puissances,
Paris, Armand
Colin, 1907.
Fonds A.R.A.M