LA CRÈTE. ET LE KHALIFAT
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En Crète, l'incident pourrait être clos. Mais en
Turquie, les Cretois émigrés et la Ligue de la Patrie
ottomane en profitent pour exciter la populace des
villes et les casernes contre les
furmane-sounlar
(
francs-maçons) du Comité. La situation des Jeunes-
Turcs est si précaire que les plus sages sont obligés
de hurler avec la foule. Les meilleurs, les plus ardem–
ment patriotes sentent bien que la Crète est l'instru–
ment dont veulent se servir contre eux celles des
puissances qui n'ont pas cessé de rêver le partage
de l'Empire et celles des nationalités sujettes qui
ont la prétention de rejeter les Turcs au second
plan et d'obtenir pour elles-mêmes la suprématie.
Mais la continuation de la révolte albanaise bro–
chant là-dessus, le Comité ne voit plus dans les
affaires Cretoises que le dernier moyen de se conci–
lier l'islam ottoman.
Durant six longues semaines, le jeu des notes et
contre-notes recommence entre les puissances et les
Cretois, entre la Porte et les ambassades (13 mai-
20
juin) : l'Assemblée Cretoise veut exclure les députés
et congédier les fonctionnaires musulmans. Dans
»
soussignés, délégués musulmans à la troisième Assemblée des
»
Cretois, nous avons l'honneur de porter à votre connaissance que,
»
nous basant
uniquement sur les droits souverains de l'Empire ottoman
•
> et n'ayant participé à aucun autre point hors l'autonomie
octroyée
»
par le gouvernement ottoman,
protestons contre la proposition qui
»
nous est faite de prêter serment au nom du roi des Hellènes. »
»
J'ai souligné les parties destinées plus particulièrement à
donner ombrage aux chrétiens. En effet, les droits du sultan, que
l'Europe qualifie de
suprêmes,
sont dits
souverains;
de plus, l'auto–
nomie qui fut accordée par les puissances est portée comme
accordée par le sultan, et par le sultan seul... Si un pareil texte
avait été lu à l'Assemblée, i l aurait provoqué des orages, et tout
porte à croire que c'est dans ce but qu'on lui avait donné une
forme aussi cassante. »
Fonds A.R.A.M