L A CRÈTE ET L E K H A L I F A T
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En 1909-1910, pour garder la Crète, ils ne veulent pas
voir quels embarras mortels leur vaudra leur nouvel
instrument khalifal, quelles méfiances une flotte
turque éveillera chez toutes les puissances méditer–
ranéennes, chez les Anglais et les Français surtout.
L'Angleterre détient des terres ottomanes, Chypre
et l'Egypte, où la rébellion bat son plein : la flotte
du Khalife y viendra sans doute montrer le pavillon
de l'Islam... Et l'Angleterre a dans ses Indes 65 mi l –
lions de musulmans... La France est inquiète de là
propagande panislamique en son Algérie, de la
présence d'officiers turcs au Maroc, de l'agitation de
ses Jeunes-Tunisiens;
mohadjirs
(
émigrés) algériens
et tunisiens vont se livrer à d'imprudentes manifes–
tations quand, au mois d'août 1910, arriveront à
Stamboul les cuirassés achetés en Allemagne :
Le peuple ottoman, racontera le
Jeune-Turc
(
rédigé en fran–
çais), a d o n n é en cette circonstance la mesure de son ardent
patriotisme. Nous sommes heureux de constater la grande
part prise à cette manifestation par les A l g é r i e n s et les T u n i –
siens q u i r é s i d e n t ou sont de passage à Constantinople.
Ils ont tenu à donner une nouvelle preuve de leurs sen–
timents i n é b r a n l a b l e s d'ottomanisme, en organisant une
grande manifestation. Ils avaient affrété une mouche qu'ils
avaient pavoisée aux couleurs ottomanes. Deux inscriptions
en arabe et en turc, bien en vedette, portaient : « Salut et
hommage des mohadjirs a l g é r i e n s et tunisiens aux deux
h é r o s Haireddine Barberousse et Thorgoud Réis. » Barbe-
rousse est cet illustre amiral q u i , au commencement du
xv° siècle, a délivré l'Algérie et la Tunisie du! j o u g des Espa–
gnols.
On remarquait à bord de la mouche Mehmed-pacha, fils
a i n é de l ' ém i r Abd-el-Kader, avec son fils Kiamir-bey, le eheik
Ismaïl-Sfa'ihi,ex-cadi de Tunis,et son fils, Cheikh Sala Chérif,
docteur Ahmed Chérif, Habid Poyraz-bey, Mohammed Poyraz-
Fonds A.R.A.M