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L A MORT DE STAMROUL
Vainement leurs amis d'Europe et leurs conseillers
européens essaient de les dé t ou r ne r de cette folie
financière
1
:
ils ont besoin de toutes leurs ressources
pour les deux défenses intérieure et extérieure de
leur Sultanat, pour leur administration et pour leur
a rmé e ; la flotte ne leur est utile que pour une offen–
sive contre la Crète; en tout pays, une flotte est un
gouffre de dépenses; en Turquie, c'est des centaines
de millions, des milliards qu'il faudra tant pour les
navires, leurs équipages et leur armement que
pour les bassins, cales, arsenaux, bureaux et per–
sonnel à terre; tout argent donné à la flotte est
autant de pris sur l'armée et les travaux publics, sur
les deux budgets indispensables à l'intégrité de
l'Empire...
La flotte, répondent les Jeunes-Turcs, est l'arme
qui permettra de garder la Crète; c'est l'indispen–
sable instrument du Khalifat... En 1908, pour assurer
leur Khalifat, les Jeunes-Turcs ont gardé Abd-ul-
Hamid sur le trône : ils en ont été récompensés
par la contre-révolution du Treize Av r i l et par l'ins–
tabilité perpétuelle où leur Sultanat est resté depuis.
mais le maréchal Fuad-pacha, le héros d'Elena, eut un plus
beau geste : il déclara qu'il abandonnerait chaque mois le quart
de son traitement.
Le parti
Union el Progrès
aurait décidé de demander que les
députés abandonnassent aussi un mois de leur traitement.
Les frères Saridja Zadé Chakir et Djémal-bey, négociants en
charbons, ont donné 80 000 francs et ont promis de verser
230
francs par mois. A Smyrne, on a décidé de recueillir assez
d'argent pour commander la construction d'un grand cuirassé.
La population de Bigba a souscrit 2 300 francs en deux heures
et les employés de la localité ont abandonné un mois de leurs
appointements. En outre, i l a été convenu que ce caza verserait
chaque année une somme de 34 000 francs.
1.
Cf. Victor Bérard,
Revue de Paris
du 15 juillet 1910, p 447-448.
Fonds A.R.A.M