LA TURQUIE ET LE TANZIMAT.
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Ces levées extraordinaires qui avaient un caractère essen–
tiellement défensif, tendaient à mettre sur pied toute la
population valide de l'empire à l'exception des chrétiens
qui, eussent-ils consenti à y concourir, en auraient été
exclus haut la main; le pouvoir musulman avait alors pris
son parti à l'égard des raias, d'ailleurs récalcitrants, et il
eut été oiseux de l'entretenir, comme en 1856, de leur
admission dans l'armée de l'Islam (1).
La loi militaire de Hussein Avni-pacha témoignait d'une
préoccupation à laquelle l'attitude de la Russie n'était pas
étrangère. Dans la période de recueillement qui avait suivi
la guerre de Crimée, Je gouvernement du czar s'était pré–
paré aux luttes nouvelles que semblait lui imposer un long
passé d'efforts, de sacrifices et de succès, et depuis quel–
ques années il éveillait l'attention inquiète des Turcs par la
hâte qu'il mettait à l'achèvement de ses grandes routes
stratégiques méridionales.
Le Divan avait à pourvoir à la sécurité de l'empire, et la
Russie lui montrait par son exemple la nature des précau–
tions qu'il ne devait point négliger. A son tour il songea à
l'établissement d'un vaste réseau de chemins de fer qui en–
velopperait toute la presqu'île des Balkans et relierait no–
tamment le Bosphore à la région la plus vulnérable du
territoire, c'est-à-dire à la frontière danubienne.
Les puissances alliées encourageaient depuis longtemps
la Porte dans ce projet, faisant valoir les avantages divers
qu'en retirerait le pays. A leurs yeux, sa réalisation ne
(1)
Le seraskier Namyk-pacha disait, en 1868, à un prince étranger
qui cherchait à lui démontrer la nécessité d'étendre le recrutement
aux chrétiens : « Ce serait vouloir former l'avant-garde des armées
du czar, »
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