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LA TURQUIE ET LE TANZIMAT.
conséquence pour instruction de s'aboucher avec les Voy-
vodes herzégoviniens et de leur inculquer qu'ils se fai–
saient illusion en comptant sur l'appui, soit moral, soit ma–
tériel du gouvernement des Czar.
Cet ordre qui était parfaitement sincère et qui fut ponc–
tuellement exécuté, attribuait à la Russie un détachement
qui ne concordait guère avec ses véritables dispositions.
Mais la chancellerie de St-Pétersbourg devait éprouver
quelque embarras à le contredire, car il n'était au fond
que le corollaire de son pacte ostensible avec le cabinet de
Vienne. Ce fut dès lors par la voie officieuse de la publicité
quotidienne qu'elle se décida à expliquer l'assertion du
délégué autrichien. Un article du journal de St-Péters–
bourg auquel l'opinion publique reconnut toute l'impor–
tance d'un manifeste et qui ne laissa pas que de troubler
un moment l'alliance des trois empires du Nord, apprit à
l'Europe et surtout aux provinces révoltées que les sym–
pathies de la Russie étaient toujours acquises aux chrétiens
ottomans et que les paroles prononcées par le général Ro-
ditch avaient été inexactement reproduites et commentées.
Cette rectification avait toute la portée d'un désaveu
pour l'Autriche et d'un encouragement pour les fauteurs
de la révolution herzégovinienne. Ceux-ci se tinrent pour
avertis, soutenus d'ailleurs qu'ils étaient dans leur con–
fiance par les émissaires du comité slave de Moscou (1).
(1)
M. Wesselitzki, qui a longtemps attiré l'attention par ses allées
et venues entre le camp des vbyvodes herzégoviniens, Raguse et Cetti-
gne, s'était fait passer tout d'abord pour l'agent direct du prince
Gortschakoff. Sa notoriété pouvant le rendre compromettant, il se
métamorphosa tout à coup en mandataire indépendant des insurgés
et ce fut en cette qualité qu'il présenta et soutint leurs demandes à
Vienne et à Berlin.
Fonds A.R.A.M