LA
TURQUIE ET LE TANZIMAT.
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démocratique ; noblesse, classe privilégiée dans l'accep–
tion européenne de ces mots, y sont inconnues (1) ; mais
l'égalité qui préside à son organisation politique, le Code
religieux la dénie absolument aux chrétiens, en faisant
même de leur abaissement une œuvre méritoire.
L'édit de 1839 renversa d'un coup cette doctrine tradi–
tionnelle, quoiqu'il exalte le Chéri (2), comme l'avait fait
Mahmoud dans les actes les moins orthodoxes de son règne.
C'était toute une révolution.
Cependant, et plus d'un document contemporain porte
la trace de cette préoccupation, l'on ne pouvait se mépren–
dre sur les difficultés que devait rencontrer l'exécution du
manifeste impérial dans le milieu fanatique dont i l bouleve-
versait les idées, les habitudes et les intérêts. Reschid-
pacha lui-même était bien loin de témoigner à cet égard une
confiance sans réserve et l'on put même deviner, à cer–
taines allusions faites dans son entourage, qu'en prenant
l'initiative hardie à laquelle i l avait réussi à associer le
Sultan, il n'avait point eu exclusivement en vue les bien–
faits d'un régime
équitable
et
paternel
(3),
I l aurait aussi
cédé au désir de contrebalancer la faveur dont jouissait
Mehemet-Ali dans l'opinion libérale de l'Europe.
Ce calcul, très juste au fond, était, comme on le verra, de
bonne et prévoyante politique.
(1)
La féodalité a existé dans certaines provinces de la Turquie;
mais elle était antérieure à la conquête ; en Bosnie, par exemple,
où elle s'est longtemps maintenue, les seigneurs chrétiens ont em–
brassé l'islamisme sur la promesse que leurs privilèges seraient
respectés. Ils ont toujours été combattus par les Sultans et en 1851
leurs fiefs ont été abolis.
(2)
Loi religieuse et civile.
(3)
Voir S 3 du Ilatti Chérir.
Fonds A.R.A.M