LA TURQUIE ET LE TANZIMAT.
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pacha venait de l'accomplir dans une province africaine
soumise à ses lois. Créateur d'une armée et d'une marine
nationales, possesseur d'un revenu de plus de cent millions,
plus libre d'ailleurs dans les emprunts qu'il faisait à la
civilisation occidentale, préoccupé de la même pensée qui
fonda jadis Alexandrie, Mehemet-Ali d'Egypte avait eu la
double ambition de voir son pays devenir le centre d'un
nouvel empire et l'entrepôt commercial d'une partie du
monde.
Le jour vint où enhardi par l'épuisement de la Turquie,
par l'impopularité d'un Sultan aussi impuissant devant
l'étranger qu'insuffisant dans sa tâche de réformateur,
Mehemet-Ali jeta le masque et rêva de se substituer au chef
de l'Islam. L'on connaît sa marche victorieuse en Syrie et
ces batailles de Belen et de Konieh où 30,000 Egyptiens
détruisirent une armée turque de 80,000 hommes. L'on
n'a pas oublié non plus le revirement en quelque sorte
fatal qui fut la conséquence de ce désastre. Vaincu par son
vassal, moralement frappé de déchéance, Mahmoud saisit
la main que lui tendait la Russie et le 20 février 1833 la
flotte protectrice du Czar jeta l'ancre dans le Bosphore. Ce
fut le coup le plus sensible porté à l'autorité du prince des
fidèles comme à l'existence de son Empire. Un dernier lien
restait aux populations musulmanes ; c'était leur aversion
pour les Busses, sentiment vivace qui les trouvait toujours
unis sous le drapeau du prophète. Ce lien fut tout à coup
rompu et l'on ne put douter alors que si par suite d'une
immixtion que les circonstances rendaient possible, la
Russie avait exigé l'abolition des monopoles et celle
des droits d'octroi sur les denrées alimentaires, elle aurait
été acclamée par la nation que l'excès de la misère avait
Fonds A.R.A.M