INTRODUCTION.
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la Turquie était à peu près, selon l'image connue, comme
un navire dont i l faut renouveler la carène, la mâture, les
voiles et l'équipage.
Le moindre bon sens indique qu'une transformation aussi
radicale ne s'improvise pas, même sous les auspices d'un
pouvoir absolu. I l y a nécessairement à compter avec les
mœurs, la condition sociale, l'éducation traditionnelle, voire
même avec les préjugés des peuples qui doivent la subir et
l'on ne peut raisonnablement prétendre qu'un empire com–
posé de races diverses, qui s'est tenu si longtemps en dehors
de la culture européenne, s'approprie de prime-saut des
institutions et des principes dont le triomphe dans des pays
plus avancés, plus homogènes et doués d'une plus grande
force de résistance, n'ont été que l'effet du temps, de la mar–
che progressive des idées, de la diffusion lente des intérêts
ou la conséquence de longues et sanglantes révolutions.
Cette considération si simple, que la polémique quoti–
dienne n'a que trop souvent négligée, est essentielle ; elle
ne saurait échapper un instant à l'attention de quiconque
entend juger sainement l'œuvre sociale, politique et admi–
nistrative représentée par le
Tanzimâl.
C'est assez dire dans quel esprit de stricte impartialité
j'entreprends aujourd'hui cette tâche.
J'apporte à l'histoire des réformes en Turquie des maté–
riaux nouveaux de provenances diverses, que j'ai pour la
plupart recueillis et contrôlés pendant un séjour de plus de
vingt ans dans les contrées orientales. Mes notes person-
Fonds A.R.A.M