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LA TURQUIE ET LE TANZIMAT.
l'empire de ce que l'on appelait les
Iltizams
(1)
l'adminis–
tration supérieure n'intervenait guère que pour nommer
ou destituer les délégués locaux. Chaque province se ven–
dait pour une ou plusieurs années à un fonctionnaire qui
donnait en garantie des redevances dues au trésor, la cau–
tion d'un banquier arménien et du jour où le contrat était
signé, le gouverneur était un véritable fermier général ou
plutôt un vice-roi investi des attributions du souverain,
ayant droit de vie et de mort, disposant de la force armée,
levant les impôts pour son compte, édictant des taxes, des
prohibitions, les modifiant à son gré, usant à son profit de
toutes les ressources de son domaine temporaire.
L'on se fait aisément une idée des vices d'un pareil sys–
tème, des perturbations que cette omnipotence apportait à
chaque instant dans les transactions commerciales. Le
Konak
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monopolisant tout, on ne pouvait, pour ainsi
dire, acheter un produit du sol avec quelque sécurité qu'a–
près s'être muni d'une autorisation spéciale, d'un
Teskéré
qui s'achetait à deniers comptants. L'agriculteur, le pro–
ducteur de toute espèce étaient de la sorte à la discrétion
du chef de la province.
A partir de 1838 des traités internationaux furent con–
clus, qui stipulèrent la liberté du commerce et rendirent
impossible par la suppression de tous privilèges le maintien
ou le retour d'abus qui n'étaient pas moins préjudiciables
au pays qu'aux trafiquants du dehors. La Porte fut amenée
à renoncer aux monopoles pour elle-même, comme pour
les agents auxquels elle déléguait son autorité.
(1)
Ferme des impôts.
(2)
Résidence du gouverneur.
Fonds A.R.A.M