92
LA TURQUIE ET LE TANZIMAT.
La Porte dut transiger plus d'une fois avec eux et le fir–
man publié à l'époque qui nous occupe, c'est-à-dire en 1849,
p.orte en lui-même le témoignage de cette tolérance forcée.
La charte de Gulkhané qui proclamait en principe l'éga–
lité de tous les sujets du Sultan, avait été repoussée par les
nobles bosniaques et i l semble même qu'elle avait eu pour
effet d'empirer la condition des chrétiens devenus aux yeux
de leurs maîtres des serfs indisciplinés et dangereux. Le
gouvernement turc qui avait à faire face à maintes diffi–
cultés, ne put de prime abord briser l'autorité tyrannique
et frondeuse des beys ; i l ne lui était pas non plus permis
d'abdiquer ses droits au point de nier dans une des pro–
vinces limitrophes des États occidentaux, les engagements
solennels qui liaient le Sultan vis-à-vis de ses peuples.
En 1849 les musulmans bosniaques se montrant plus
récalcitrants que jamais, l'on crut prudent de les calmer
par certaines concessions administratives qui exemptaient
leur province du régime fiscal appliqué dans les autres
Pachaliks; la perception des dîmes des
Timars
(1),
au
lieu d'être confiée à des agents spéciaux
(
Defterdars, mal-
mudirs)
fut laissée à leurs propriétaires. Mais en même
temps l'on déclara obligatoires en Bosnie les dispositions
du Hatti-Chérif de 1839 qui garantissaient la vie, l'hon–
neur, la fortune de tous les sujets et leur égalité devant la
loi.
Ce compromis ne fut point, comme on l'espérait à Cons-
tantinople, une œuvre d'apaisement et de conciliation, car
deux ans plus tard, en 1851, la Porte devant les résistan–
ces obstinées des beys, dut prononcer l'abolition des fiefs.
(1)
Fiefs.
Fonds A.R.A.M