L'Exode des Arméniens en France et le Peuple Français
Après la retraite des troupes françaises en Cilicie, après le désastre
de la Grande-Arménie et à la suite des événements tragiques de
Smyrne, un exode de 50.000 Arméniens s'est dirigé vers la France, la
seule terre hospitalière qui a recueilli généreusement dans son sein les
débris d'un peuple martyr.
L'arrivée à Marseille d'un contingent de 15.000 réfugiés avait donné
l'occasion à M. le docteur Flaissière, maire de cette ville, sénateur des
Bouches-du-Rhône, de publier dans le
Petit Provençal
un article de
protestation dans des termes violents; dans son article, M. Flaissières
demandait officiellement à M. le ministre de l'Intérieur d'expulser les
Arméniens, non seulement de Marseille, mais de toute la France, les
considérant comme des éléments indésirables pour la sécurité de l'Etat
français.
Connaissant les sentiments humanitaires du vénérable maire de
Marseille, j'étais surpris d'une pareille attitude de sa part vis-à-vis du
peuple arménien; j'avais des raisons de croire qu'en réalité M. Flais–
sières ne pouvait pas être l'auteur de cet article. Depuis, la noble atti–
tude du premier magistrat de la seconde ville de France prouve clai–
rement que des gens malintentionnés l'avaient induit en erreur, pous–
sés par une jalousie compréhensible que la présence des Arméniens
faisait naître dans leur esprit. Malgré cette conviction, devant la réalité
des faits, j'étais en
droit
de prendre la défense de mes compatriotes et
je n'ai pas manqué de remplir ce devoir. Mes articles dans les jour–
naux
l'Ami du Peuple,
de Marseille, le 27 octobre 1923, et
l'Eclair,
de
Montpellier, le 14 novembre 1923, en font foi; je remercie particuliè–
rement la
Libre Parole,
de Paris, qui me donnait entièrement raison.
Après avoir conjuré cette première menace et cette première diffi–
culté, il me restait à remplir une tâche beaucoup plus lourde. Mes
compatriotes, ignorant la langue et les mœurs du noble pays qui les
hospitalisait et dénués de toute ressource, étaient condamnés à une
misère noire; il s'agissait de les guider en leur servant de mentor; en
un mot, il fallait leur procurer du travail immédiat et ce n'était pas
chose facile, d'autant plus que les industriels français n'avaient pas eu
l'occasion d'apprécier la valeur de la main-d'œuvre arménienne; heu–
reusement pour moi, j'avais rencontré dans l'accomplissement de ma
délicate mission des nommes de cœur, qui ont eu la bonté, sur ma
prière, d'ouvrir les portes de leurs usines à mes compatriotes :
Fonds A.R.A.M