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Le Procès de Tehlirian
Le président:
Pourquoi votre conscience est-elle tranquille?
L'accusé:
J'ai tué un homme, mais je ne suis pas un meurtrier.
Le président:
Vous dites ne pas avoir de remords? Votre conscience est tran–
quille? Vous ne vous faites pas de reproches? Vous devez quand
même vous demander : avez-vous
voulu
tuer Talaat Pacha ?
L'accusé:
Je ne comprends pas cette question.
Je l'ai tué.
Le président:
En avez-vous eu l'intention?
L'accusé:
Je n'en ai pas eu l'intention.
Le président:
Quand l'idée s'est-elle éveillée en vous?
L'accusé:
Environ deux semaines avant le crime; jeme sentais mal et les ima–
ges dumassacre me revenaient devant les yeux. Je vis le cadavre de
ma mère. Ce cadavre s'est levé, s'est approché et m'a dit : « Tu as vu,
Talaat est ici, et tu restes indifférent? Tu n'es plus mon fils!».
Le président (répète ceci aux jurés):
Qu'avez-vous fait alors?
L'accusé:
Je me suis soudainement réveillé et j ' a i décidé de tuer l'homme.
Le président:
Quand vous étiez à Paris et à Genève et quand vous êtes venu à
Berlin, vous n'en aviez pas l'intention?
L'accusé:
Je n'avais rien décidé à l'époque.
Le président:
Saviez-vous que Talaat Pacha résidait à Berlin?
L'accusé:
Non.
Le président:
Vous avez été à Paris en 1920?
L'accusé:
Oui.
Le président:
Qu'avez-vous fait là? appris le français?
L'accusé:
Oui.
Le président:
Et rien d'autre? Vous avez fait des études de mécanique, non?
L'accusé:
Non, je n'ai pas eu d'autre occupation.
Le président:
Vous aviez l'intention d'entreprendre de telles études à Berlin
pourtant.
L'accusé:
Oui.
Le président:
Vous êtes seulement passé par Genève pour arriver plus facile–
ment à Berlin?
L'accusé:
Je voulais aussi voir Genève.
Fonds A.R.A.M