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Hélas! ces espoirs allaient être amè r emen t déçus. Si la
correspondance de J. de Morgan raconte l'histoire de son
amitié avec Tchobanian, elle contient aussi le récit doulou–
reux de ce qu'il convient de nommer une trahison. J. de
Morgan en suit les péripéties et i l exprime sa colère, son
indignation et son amertume. Au cours de la guerre, les res–
ponsables politiques avaient unanimement exprimé leur
sympathie pour les Arméniens, promettant de les aider à
panser leurs blessures et à restaurer leur patrie. Encou–
ragés par ces promesses de nombreux patriotes arméniens
combattirent vaillamment aux côtés des Alliés. Tous,
comme J. de Morgan, espéraient que la fin de la guerre
marquerait pour l'Arménie le terme de son calvaire et
l'aube de sa résurrection. C'est à cela que J. de Morgan tra–
vaillait en mettant sa plume au service de la cause armé–
nienne:
«
Vous voir réussir, lors du règlement des affaires mondia–
les, serait pour moi une grande joie et cette espérance me
suffit. Plus tard, quand je ne serai plus, j'espère que les
Arméniens, se souvenant de moi, graveront mon nom dans
une de leurs églises de l'Arménie restaurée avec ces deux
seuls mots "amicus fuit". Mes ambitions seront satisfaites»
(
J. de M. à A. T., 11 juillet 1916).
On le voit fustigeant ceux qu'il appellera «Les barbares
de l'Orient» qui tentent d'exterminer la nation arménienne
tout entière, en donnant à leur crime l'apparence d'une
déportation:
«
Les plus affreuses cruautés de jadis ne sont rien en com–
paraison de ce martyre lent, calculé pour atteindre le som–
met de la barbarie. Pauvres gens! Il n'en restera guère après
la guerre. Vous vous faisiez, je me faisais moi-même quel–
ques illusions sur le sort de ces déportés. J'espérais que les
Turcs les laisseraient à peu près en paix dans les provinces
du sud. Je savais qu'ils souffriraient du climat, de la misère,
mais je ne pouvais croire que Deïr-el-Zor, entre autres, où
j'ai passé jadis quelques jours à visiter les ruines byzantines
des environs deviendrait un charnier.
Ce pays de Mesquéneh à Feloudja (Bagdad) est affreuse–
ment désert. Le grand fleuve traverse des immensités d'allu-
vions stériles, de cailloux roulés. A peine, de loin en loin, sur
PRÉSENTATION
Fonds A.R.A.M