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L ' A R M É N I E A L ' É P O Q U E
H E L L É N I S T I Q U E
q u ' i l y a i t été peu après pourchassé, rejoint et mis à mo r t pari
Tigrane q u i annexa du coup la plaine cilicienne ( v . 83 )
1
.
Le con-|
quérant arménien occupa pacifiquement, semble-t-il, Antiochel
et les autres villes de la Syrie septentrionale. Seule, la cité mari–
t ime de Séleucie de Piérie l u i ferma ses portes et, faute de navires,
il ne p u t la forcer
2
.
Une princesse séleucide, Cléopâtre Séléné,
veuve du r o i de Syrie Antiochos X , t i n t quelque temps à Pto-
lémaïs (Acre). E n 71 Tigrane en f i n i t avec elle. S'étant porté de ce
côté avec une puissante armée (300.000 hommes au témoignage
de Flavius Josèphe), i l p r i t Ptolémaïs et y captura Séléné. Celles
des villes phéniciennes q u i refusaient de le reconnaître durent,
comme l'indique Plutarque, être soumises en même temps
3
.
E n revanche, i l ne chercha pas à chasser de Damas les Nabatéens
ni à soumettre la dynastie asmonéenne de Judée.
Cette modération voulue mon t r e que le fondateur de la Grande
Arménie, décrit par les historiens grecs et latins comme un poten–
t a t sans frein n i mesure, entendait au contraire se limiter. Se
refusant à pousser au delà de la Syrie ma r i t ime , i l ne perdait
pas de vue sa terre natale, base et raison d'être de sa grandeur.
La Syrie, comme la Mésopotamie septentrionale et l'Atropatène,
ne devait être qu ' un des glacis extérieurs de la forteresse armé–
nienne d'où i l t i r a i t ses ressources. Rencontre curieuse : i l recons–
truisait ainsi, sans le savoir, le vieil empire d'Ourartou à l'époque
de la plus grande extension des Ichpouini et des Ménoua, tant
les données géographiques dictent la conduite des peuples.
Pour un empire arménien étendu jusqu'à l'actuel Saint-Jean
d'Acre et contrôlant la Mésopotamie, i l fallait une nouvelle
capitale. A r t a x a t a , sur l ' Ar a x e , près de notre E r i v a n , était
maintenant beaucoup t r o p septentrionale. Tigrane choisit
l'emplacement de sa résidence au centre même de ses possessions,
à mi-chemin entre l'Arménie et la Syrie-Mésopotamie. Ce fut
«
Tigranocerta ». L e site même de la ville est discuté. Strabon
(
X I , 14, 15) la place en Mygdonie et Eu t r o p e ( V I , 9) en Arzanène.
On a v o u l u la retrouver à Tell-Ermèn, au sud-ouest de Mardin.
Strabon ( X I , 12, 4) nous d i t seulement que Tigranocerta, comme
Nisibe, est dominée par le mo n t Masios (Monts de Ma r d i n et de
M i y a d , au To u r 'Abdîn)
4
.
Pour L e hma n n - Ha u p t , i l s'agit de la
ville nommée plus t a r d Ma r t y r o p o l i s et Maiyâfâriqîn, entre
l'Arzanène et la Sophanène
5
.
Quoi q u ' i l en soit, ce qu i importe
ici, c'est le choix de la région, et ce choix était heureux t a n t au
1.
B O U C H É - L E C L E R C Q , /. c, I , p. 431.
2.
E U T R O P E , V I , 14, 2. Cf. S T R A B O N , X V I . 2, 8.
3.
P L U T A R Q U E ,
Lucullus,
2 1 .
J O S È P H E , X I I I , 10. 4.
4.
Cf. E C K H A R D T ,
Klio,
1910,
p. 32 et sq.
5.
L E H M A N N - H A U P T ,
Arménien,
I , ch. 13, p. 410 et sq. P o u r A r a k e l de
T a u r i s , a u t e u r arménien d u x v n
e
siècle, « T i g r a n a k e r t est A m i d » ( A R A K E I
t r a d . B R O S S E T ,
Collection
d'historiens
arméniens,
t , I I , 1874, p. 305).
Fonds A.R.A.M