L A G É O G R A P H I E D E L ' A R M É N I E E T
L ' H I S T O I R E
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contribuent à alimenter ce riche réseau hydrographique. A i n s i
naissent « des milliers de sources et de ruisseaux q u i entretiennent
la fraîcheur dans les vallées et les vallons au cours des grandes
chaleurs de l'été, assurent l'arrosage des vergers et des champs
et ne rejoignent l ' Ar a x e qu'à l'époque des grandes pluies du
printemps ».
A l'époque préhistorique et sans doute aussi dans l'antiquité,
toute cette région était couverte de forêts, mais la vie pastorale
a, là comme ailleurs, déboisé les vallées et les pentes. D u moins
les vallées n'ont-elles rien perdu de leur fertilité grâce à l ' abon –
dance des eaux et à une insolation q u i nous rappelle qu'en dépit
de l ' a l t i t ud e nous sommes i c i à la l a t i t ud e de l ' I t a l i e méridionale.
«
Dans les vallons, note de Morgan, la végétation est le plus sou–
vent en avance sur celle des environs immédiats d ' E r i v a n parce
que, moins bien garantie contre l a bise, cette large plaine subit
des hivers très rigoureux. L a vigne et les arbres fruitiers y croissent
cependant en abondance et l ' o n récolte encore dans les vignobles
duMasis (Ararat) de l'excellent v i n . » Les colonies arméniennes q u i
ont essaimé o u persisté plus à l'est, entre D j o u l f a et Choucha, sur
le p o u r t o u r du Qarabagh (« le J a r d i n No i r ») et le long du bas
Araxe, y retrouvent sur les bords du fleuve la même prospérité.
Dans les défilés de l ' Ar a x e , en aval de D j o u l f a , « le blé croît avec
une surprenante vigueur, la vigne enlace de ses pampres 'les
arbres les plus élevés, gagne la cime des noyers au tronc mons–
t r u e ux et se répand en guirlandes géantes au-dessus des fourrés
plusieurs fois séculaires. Les villages disparaissent sous la ver–
dure, enfouis dans de véritables forêts d'arbres fruitiers, vergers
incomparables où se pressent pêchers, pruniers, abricotiers,
figuiers, grenadiers, pommiers et poiriers ».
A u reste, cette fertilité, nous la t r ouvons déjà attestée dans
Strabon : « Si on pénètre dans l'intérieur de l'Arménie, nous d i t
le géographe grec, on y t r o uv e beaucoup de montagnes et de
plateaux arides où la vigne elle-même ne v i e n t qu'avec peine,
mais on y rencontre aussi beaucoup de vallées... d'une i n c ompa –
rable richesse. Telle est par exemple cette plaine Araxène que
l ' Ar a x e traverse dans t o u t e sa longueur a v a n t d'aller se jeter
dans la mer Caspienne. Nous pourrions même citer la Gogarène
1
,
car i l est constant que t o u t e cette plaine abonde en céréales et
en arbres fruitiers
2
... »
L e chroniqueur arménien Lazare de
Pharpi célébrera, l u i aussi, cette « magnifique province de
l ' A r a r a t , si fertile et si féconde. Ses plaines sont immenses et
regorgent de gibier. Les montagnes d'alentour, agréablement
situées et riches en pâturages, sont peuplées de r umi nan t s . D u
1.
D i s t r i c t médiéval d u G o u g a r q arménien, à l a p o i n t e n o r d - o u e s t d u
lac Sévan.
2.
S T R A B O N , 1. X I , ch. x i v , § 4,
Fonds A.R.A.M