CHAPITRE X I I .
Races et filiations des descendants de Haie. —
Ce que chacun de ses descendants afait*
casque de fer à la crinière flottante, une cuirasse
d'airain qui lui garantissait le dos et la poitrine,
des cuissards et des brassards ; au côté gauche et
fixée à la ceinture, une épée à double tranchant ;
de la main droite, il portait une bonne lance et
de la gauche un épais bouclier. A sa droite et
à sa gauche se tenaient ses troupes d'élite. Haïg,
voyant le Titan ainsi armé de toutes pièces, et
flanqué des deux côtés d'une escorte choisie,
place Arménag avec ses deux frères à sa droite,
Gatmos et deux autres de ses fils à sa gauche,
parce qu'ils étaient habiles à tirer l'arc et à manier
l'épée ; pour lui, se plaçant à l'avant-garde, il
forma derrière lui en triangle ses autres troupes
qu'il fit avancer doucement.
«
S'étant rapprochés de tous côtés les uns sur
les autres, les géants, dans leur choc impétueux,
faisaient retentir la terre d'un bruit épouvantable,
et par la fureur de leurs attaques ils répandaient
parmi eux la terreur et l'épouvante. Grand nom–
bre de robustes géants, de part et d'autre, at–
teints par le glaive, tombaient renversés à terre ;
cependant des deux côtés la bataille restait in–
décise. Â la vue d'une résistance aussi inattendue
et pleine de dangers, le roi effrayé remonte sur
la colline d'où il était descendu, car il croyait
trouver un abri sûr au milieu des siens, jusqu'à
ce qu'enfin, toute l'armée étant arrivée, il put
recommencer l'attaque sur toute la ligne. Haïg,
l'habile tireur d'arc, comprenant cette manœuvre,
se place en face du roi, bande son arc à la large
courbure, décoche une flèche munie de trois
ailes, droit à la poitrine de Bel, et le trait, le
traversant de part en part, sort par le dos, et re–
tombe à terre. C'est ainsi que le fier Titan, abattu
et renversé, expire. Ses troupes, à la vue de ce
terrible exploit, prennent la fuite, sans qu'aucun
se retournât en arrière. »Mais assez sur ce sujet.
Haïg couvre de constructions le champ de ba–
taille et lui donne le nom d'Haïk, à cause de la
victoire remportée ; d'où le canton encore à pré–
sent s'appelle
Haïotz-tzor
(
vallée des Arméniens).
La colline où Bel succomba avec ses braves
guerriers fut nommée par Haïg
Kérezmanh
(
les
tombeaux), et l'on dit encore à présent
Kérez-
manh.
Le corps de Bel étant peint de diverses
couleurs, dit [Mar Apas Catina], Haïg le fit trans–
porter à Hark, et enterrer sur une hauteur à la
vue de ses femmes et de ses fils. Or notre pays
est appelé
Haïk
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du nom de notre ancêtre Haïg.
Après ces événements, une foule de faits sont
racontés dans ce livre ; mais nous n'inscrirons ici
que ce qui est nécessaire à notre histoire.
«
Après celte expédition, Haïg, dit [Mar Apas
Catina], retourna à samême habitation, et donna
à Gatmos, son petit-fils, une grande partie du
butin mit à la guerre, ainsi que plusieurs des plus
braves de ses gens ; puis il lui ordonna de demeu–
rer dans son séjour primitif. Ensuite Haïg, s'en
étant allé, s'arrêta au lieu appelé Hark. I l avait
engendré son fils Arménag à Babylone, ainsi que
nous l'avons dit plus haut; après quoi, ayant
vécu encore de longues années, il meurt, laissant
à Arménag le gouvernement de la nation tout en–
tière.
Arménag laisse deux de ses frères, Khor et
Manavaz avec toute leur suite, au lieu appelé
Hark, ainsi que Paz, fils de Manavaz. Celui-ci re–
çut Hark en apanage; son fils eut en partage au
nord-ouest le littoral de la mer salée, qu'il ap–
pelle de son propre nom, ainsi que le canton. De
Manavaz et de Paz sont issues, dit-on, les familles
satrapales des Manavazian, des Peznouni, des
Ouortouni qui, après saint Tiridate (Dertad), se
sont détruites, assure-t-on , l'une l'autre dans les
combats. Khor multiplie au nord et fonde des
villages. De lui est issue la grande satrapie de la
race des Khorkhorouni, hommes braves et re–
nommés , comme le sont encore leurs descendants
actuels.
Arménag, emmenant avec lui toute la multi–
tude des siens, se dirige au nord-est, arrive et
débouche dans une plaine encaissée, entourée de
hautes montagnes, traversée par des fleuves im–
pétueux venant de l'ouest ; cette plaine, située à
l'est, s'étend au loin sous les rayons du soleil. Au
pied des montagnes jaillissent quantité de sources
limpides qui, réunies en fleuves à leurs confins, à
la naissance des montagnes, au bord de la plaine,
jeunes encore, se promènent comme des jeunes
filles. Mais la montagne au sud, qui regarde le
soleil, — avec son sommet neigeux, s'élevant à
pic, qui ne peut être atteint en moins de trois
jours par un voyageur muni d'une bonne cein–
ture, à ce que rapporte un des nôtres, — se ter–
mine doucement en pointe ; c'est véritablement
une vieille montagne au milieu de montagnes
d'une formation plus récente. Dans cette plaine
profonde, Arménag s'établit ; il couvre d'édifices
Fonds A.R.A.M